Paris, France
Jeudi 23 octobre 2025
Par Nathalie ALONSO
Il s’agit de facto de la première condamnation pour greenwashing, ou écoblanchiment, d’une compagnie pétrolière dans le monde pour la façon dont elle présente ses engagements climatiques, dit l’ONG ClientEarth qui suit de près la jurisprudence contre l’industrie pétrolière et gazière.
Le tribunal judiciaire de Paris a estimé que TotalEnergies avait fait état d’allégations environnementales qui “étaient susceptibles d’altérer le comportement d’achat du consommateur” et de “l’induire en erreur” en lui faisant croire qu’elle pouvait atteindre la neutralité carbone en 2050 tout en augmentant la production de pétrole et de gaz, selon un communiqué du tribunal sur cette procédure civile.
Le tribunal a en revanche rejeté les plaintes des associations concernant les allégations de TotalEnergies sur le gaz fossile et les agro-carburants.
Le tribunal avait été saisi en 2022 au civil par les ONG Greenpeace France, Les Amis de la Terre France et Notre Affaire à Tous.
Les ONG se sont félicitées d'”un précédent juridique majeur contre la désinformation climatique des majors pétrolières”.
La décision sera centrale dans la jurisprudence naissante sur le greenwashing – le fait de se présenter plus vertueux sur l’environnement qu’en réalité.
Des tribunaux et régulateurs européens ont déjà épinglé pour écoblanchiment les compagnies aériennes KLM en 2024 et Lufthansa en mars, et d’autres entreprises dans l’alimentation et d’autres secteurs.
Mais jamais une compagnie pétrolière n’avait été condamnée par un tribunal pour sa stratégie climatique. Et bien que le jugement soit français, la condamnation devrait faire référence au-delà, explique Johnny White, juriste de ClientEarth.
– Neutralité carbone –
L’affaire portait sur la campagne de communication du groupe déployée à partir de mai 2021 sur son site internet, dans la presse, sur les réseaux sociaux et à la télévision.
A l’époque, Total venait de se rebaptiser TotalEnergies pour souligner son ambition d’être “la compagnie de toutes les énergies”, du pétrole à l’électricité éolienne et solaire.
Le groupe affichait alors son objectif de “neutralité carbone d’ici 2050, ensemble avec la société” et vantait le gaz comme “l’énergie fossile la moins émettrice de gaz à effet de serre”, malgré son bilan climatique contesté en raison des fuites de méthane, très réchauffant pour l’atmosphère.
En tout, une quarantaine de messages, dont une partie sont encore accessibles en ligne, étaient épinglés.
Les associations ont obtenu le retrait de ceux concernant la neutralité carbone et la transition énergétique, tels que: “Notre ambition est d’être un acteur majeur de la transition énergétique tout en continuant à répondre aux besoins en énergie des populations”, ou “Nous avons pour ambition de contribuer à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 ensemble avec la société”.

La cour de justice, saisie en mars 2022 par les ONG Greenpeace France, Les Amis de la Terre France et Notre Affaire à Tous, doit déterminer si TotalEnergies a diffusé des « publicités trompeuses » en suggérant qu’elle pouvait « contribuer à préserver la planète » tout en continuant à forer pour trouver du pétrole et du gaz. Suivie de près par les milieux économiques et les défenseurs du climat, cette décision pourrait créer un nouveau précédent dans la jurisprudence européenne émergente en matière de communication environnementale des entreprises. (Photo de Grégoire CAMPIONE / AFP)
– Des investissements réels –
Ces messages rendent, “pour un consommateur moyen, impossible de comprendre que TotalEnergies est en train d’étendre sa production d’énergies fossiles”, avait martelé Clémentine Baldon, l’avocate des plaignants, à l’audience en juin.
En face, le groupe défendait sa bonne foi et la réalité de ces investissements “bas carbone”, dans le solaire par exemple.
Il avançait que ces messages n’étaient pas des publicités destinées aux consommateurs mais relevaient d’une “communication institutionnelle” et générale, encadrée par le code monétaire et financier.
Cette affaire est “une instrumentalisation du droit de la consommation pour critiquer la stratégie de la société”, affirmait le groupe.
Humaniterre avec AFP






