C’est le mardi 31 janvier 2023, à la préfecture de Taï que s’est tenu un atelier bilan couvrant les 44 années de recherches du Taï Chimpanzee Project (TCP), du Taï Monkey Project (TMP) au Parc National de Taï.
Organisé par le Directeur du TCP, le Dr. Roman Wittig avec les partenaires privilégiés, que sont l’Office Ivoirien des parcs et Réserves (OIPR), le Centre Suisse de Recherches Scientifiques en Côte d’Ivoire, l’Université Félix Houphouët Boigny l’Unité de formation et de recherche (UFR) Biosciences et du Centre de Recherche en Ecologie (CRE).
Plusieurs générations de chercheurs du CSRS sont des produits de la collaboration avec les gestionnaires du PNT et des universités publiques.
Cet atelier avait pour objectif d’informer les populations locales des résultats des recherches et des activités interdisciplinaires au sein du Parc.
Monsieur le Sous-préfet de Taï, Monsieur Klanon Dagnogo, le maire et les autorités coutumières et les populations étaient présents.
Le Dr. Wittig a procédé à la restitution des résultats sur les différents comportements des grands singes, il s’est étendu sur leur système de communication, les dynamiques au sein des groupes, le comportement alimentaire, social et leur santé. Il n’a pas manqué de souligner à quel point ces études sur les chimpanzés sont importantes pour appréhender le comportement de l’homme au vu des nombreuses similitudes entre l’homme et les chimpanzés.
Le Professeur Bitty Anderson, Responsable du Taï Monkey Project (TMP) et le Dr Zoro Gone Bi ont fait 2 présentations respectivement sur le thème Recherche et conservation de la biodiversité du Centre Suisse et écologie alimentaire et plantes médicinales.
La thématique écotourisme et conservation a été abordée la Wild Chimpanzee Foundation (WCF). Le CHU de Bouaké présent à Taï par le biais du projet Andémia a présenté la thématique zoonose et santé humaine.
Lors des questions-réponses modérées par Dr. Mathieu Cantat- chef de projet TCP ; les interventions ont porté sur les bénéfices que les populations riveraines du parc tiraient de leur proximité avec ce joyau écologique, centre d’attention de tant de chercheurs (botanistes, primatologue, épidémiologistes…) venant du Monde entier.
L’engouement de tous autour de cet atelier étaient le signe de l’engagement de continuer à protéger le Parc National de Taï toujours au travers de cette démarche participative.
Situé au sud-ouest de la Côte d’Ivoire, le Parc National de Taï, avec une superficie globale d’environ 5 360 km², incluant la Réserve partielle de faune du N’zo, représente plus de 50% de la superficie totale des zones forestières ouest africaines placée sous statut de stricte protection. En raison de sa grande étendue et de sa valeur patrimoniale exceptionnelle, ce parc constitue un immense réservoir génétique.
Le PNT est géré par la Direction de zone sud-ouest (DZSO) de l’OIPR).
Au plan administratif, il s’étend sur trois régions (Cavally, Nawa et San Pedro), six départements (Guiglo, Taï, Buyo, Méagui, San Pedro et Tabou) et 11 sous-préfectures (Guiglo, Nizahon, Taï, Zagné, Buyo, Dapéoua, Oupoyo, Gnamangui, Doba, Dogbo et Djouroutou) pour une superficie totale de 16 882 km².
Ce trésor vert convoité par des chercheurs, environnementalistes, explorateurs et touristes amoureux de la nature de partout dans le monde abrite depuis plus de 40 ans des études scientifiques de longue haleine. Actifs depuis 1979, les étudiants et collaborateurs du TCP ont étudié cinq communautés de chimpanzés voisines ainsi qu’un groupe de cercocèbes enfumés (mangabeys). Le site de recherche comprend environ 250 km² et se trouve au nord et à l’est de la station de recherche en écologie de Taï.
La présence permanente du personnel de recherche et l’excellente coopération avec l’Office Ivoirien des Parcs et Réserves ont contribué à faire de la zone de recherche, la zone ayant la plus forte densité de primates dans le Parc national de Taï.
Le Taï Chimpanzee Project (TCP) est un projet de recherche à long terme sur le thème « Ecologie comportementale des chimpanzés (Pan troglodytes verus) du Parc national de Taï et leur implication sur l’évolution humaine » et qui a pour objectif d’observer le comportement des chimpanzés et d’autres primates au Parc National de Taï, surveiller leur niveau de santé et d’hormones et de les protéger ainsi que leur habitat. Les chimpanzés sont l’une des espèces les plus proches de l’Homme (Langergraber et al., 2012).
Malgré certaines découvertes faites grâce à l’étude de fossiles, il n’y a presque aucun savoir sur leur comportement, car cela ne peut pas être déduit à partir de fossiles. Le comportement est pourtant l’un des plus importants mécanismes adaptifs pour répondre aux pressions sélectives dans l’environnement.
Les animaux font face à une compétition pour les ressources limitées, que ce soit une source alimentaire, un partenaire de reproduction, d’habitat ou l’abri.
Les individus sont en concurrence avec les autres membres du groupe, mais les groupes rivalisent également avec d’autres groupes.
Ils utilisent des stratégies comportementales qui réduisent cette compétition. La connaissance du comportement du chimpanzé nous aiderait à mieux comprendre notre propre comportement comme nous pourrions reconnaître les pressions sélectives qui ont façonné nos actions.
Les chimpanzés de Taï sont particulièrement importants pour résoudre cette
énigme, car ils ont de nombreuses caractéristiques similaires à l’Homme :
(1) les chimpanzés de Taï utilisent de nombreux outils, cassent des noix différentes en utilisant le principe de marteau et d’enclume (Boesch & Boesch, 1982 ; Sirianni,
Mundry, & Boesch, 2015) ; (2) ils coopèrent au niveau du groupe lors de chasses de colobes dans les arbres, ou pour défendre leur territoire contre d’autres communautés (Boesch, 1994 ; Samuni, Preis, Deschner, Crockford, & Wittig, 2018 ; Samuni et al., 2017) ; (3) ils partagent la nourriture avec des individus apparentés ou non-apparentés de leur communauté (Samuni L. et al., 2018 ; Wittig, Crockford, Deschner, et al., 2014) ; (4) ils résolvent des conflits et aident les autres à se réconcilier (Preis et al., 2018 ; Wittig & Boesch, 2005, 2010) ; (5) ils adoptent des orphelins et les aident à survivre (Boesch, Bole, Eckhardt, & Boesch, 2010) ; et (6) les chimpanzés montrent différentes cultures, même dans des communautés voisines (Boesch et al., 2006, Luncz, Mundry, & Boesch, 2012 ; Luncz, Wittig, & Boesch, 2015).
Afin d’examiner le comportement extraordinaire des chimpanzés de Taï, le TCP mène un programme de recherche à long terme pour étudier diverses dimensions de la biologie des chimpanzés et d’une espèce de singes sympatrique (cercocèbes enfumés) pour des comparaisons phylogénétiques hors-groupe.
La durabilité du projet est nécessaire, car les chimpanzés sont une espèce à vie longue avec une histoire de vie extrêmement lente. Les chimpanzés sauvages sont sevrés à l’âge de cinq ans. Ils atteignent la maturité sexuelle à l’âge de 10 à 15 ans et ont une espérance de vie pouvant aller jusqu’à 50 ans. Par conséquent, les premiers chimpanzés nés dans la population de Taï sous l’observation n’ont pas encore atteint leur longévité potentielle, bien qu’ils soient étudiés depuis 40 ans. En plus, comme l’habituation des communautés des chimpanzés sauvages à la présence des observateurs humains prend entre 5 et 10 ans, ce processus nécessite un investissement à long terme.
En 2019, le projet a organisé en Allemagne, un symposium marquant ses 40 années d’existence. Cela a abouti à la publication d’un livre sur ces 40 années de recherche au Parc national de Taï.
Il est à noter que chaque 10 ans, le Centre Suisse de Recherches scientifiques en Côte d’Ivoire (CSRS) et l’Office Ivoirien des Parcs et Réserves (OIPR) entouré par d’autres partenaires initient un atelier bilan et d’orientation des activités de recherches scientifiques dans et autour du parc national de Taï (PNT), pour actualiser les informations et de définir les nouvelles perspectives pour la gestion durable et inclusive de ce parc, la troisième édition de cet atelier s’est tenue à Cocody, le jeudi 21 au vendredi 22 avril 2022,.
Des progrès ont été accomplis au cours des années, progrès qui nous permettent d’en savoir un peu plus sur la valeur de ce site et sur des espèces et des écosystèmes peu connus. Par exemple, sur 263 espèces de plantes consommées par les chimpanzés, une centaine est utilisée par les hommes pour traiter 51 maladies.
Si le TCP est un projet de recherche sur les chimpanzés mis en place, depuis 1979, le TMP qui concerne les singes à queue existe depuis 1991 en Côte d’Ivoire.
Jusque-là, l’État de Côte d’Ivoire, par le biais de l’OIPR, les différents partenaires nationaux et internationaux soucieux de préserver ce trésor, a réussi dans sa mission autant que possible. Le parc national de Taï (PNT) constitue, en effet, l’un des derniers vestiges importants de la forêt tropicale primaire en Afrique de l’Ouest.
Sa riche flore naturelle et ses espèces de mammifères menacées, comme l’hippopotame pygmée et plus d’une dizaine d’espèces de singes, présentent un grand intérêt scientifique.
Cette forêt luxuriante, entre les arbres immenses, les sous-bois et les retenues naturelles d’eau, renferme encore des trésors inexplorés.
Les différents volets de recherche du TCP sont :
(1) Écologie comportementale des chimpanzés et mangabeys et les corrélations
endocrinologiques du comportement
- Dynamiques au sein et entre les groupes :
- Comportement pro-social :
- Comportement alimentaire
(2) Cognition comparative sociale
(3) Systèmes de communication
(4) Sociabilité et santé
(5) Surveillance de la santé de primates au TNP
(6) Les bases neuronales du comportement
(7) Suivi spatio-temporel de la production des plantes consommées par les chimpanzés dans leurs différents territoires