Abidjan, lundi 19 août 2024

Par Roselyne Kandel

Qu’est-ce le crédit carbone ?

Un crédit carbone est un certificat représentant l’équivalent d’une tonne de dioxyde de carbone (CO₂) ou d’un autre Gaz à Effet de Serre (GES), qui a été soit retiré de l’atmosphère, soit évité d’être émis. Il s’agit à l’origine de récompenses à distribuer chaque année aux entreprises qui sont capables de capter des GES ou qui n’en émettent pas au-delà d’un seuil précisé par l’Accord de Paris; un pacte considéré comme un jalon important dans la lutte contre le changement climatique, bien que son efficacité dépende de l’engagement et des actions concrètes des pays signataires. Les crédits carbones ont été introduits dans le cadre du Protocole de Kyoto dont l’objectif principal est de réduire les émissions de six gaz à effet de serre d’au moins 5 % par rapport aux niveaux de 1990, sur la période 2008-2012. 191 États et l’Union européenne ont signé le protocole dans lequel les pays industrialisés se sont engagés à des réductions spécifiques de leurs émissions. C’est-à-dire, à moins polluer. Une seconde période d’engagement a été fixée lors du Sommet de Doha en 2012, s’étendant de 2013 à 2020. Le protocole a marqué une étape importante dans la lutte contre le changement climatique, bien que certains pays, comme les États-Unis, n’aient pas ratifié l’accord.

Comment fonctionnent les crédits carbones ?

Les crédits carbones fonctionnent comme un mécanisme de marché destiné à réduire les émissions de Gaz à Effets de Serre (GES), que sont le Dioxyde de carbone (CO₂), le Méthane (CH₄), le Protoxyde d’azote (N₂O) et les Gaz fluorés dont les principaux sont : les Chlorofluorocarbures (CFC), les Hydro-chlorofluorocarbures (HFC), les Hydrofluorocarbures (HFC), les Per-fluorocarbures (PFC) et les Hexafluorure de soufre (SF6). Les crédits carbones sont souvent associés à des projets écologiques, comme la reforestation, les énergies renouvelables, ou l’amélioration de l’efficacité énergétique. Destinés à inciter les plus gros pollueurs à réduire leurs émissions de Gaz à Effets de Serre (GES), en prélevant directement sur leurs actifs financiers, les crédits carbones sont des récompenses distribuées chaque année. Il faut polluer peu ou pas du tout pour obtenir ce certificat. Malheureusement, ces récompenses, distribuées aux entreprises exemplaires, se sont transformées en des actifs négociables, offrant la possibilité aux entreprises les plus polluantes d’acheter leurs droits à polluer à un vendeur de crédit carbone qui, lui, n’en a pas besoin, dans la mesure où il ne pollue pas. Ils aident ainsi les entreprises à se conformer aux réglementations environnementales en vigueur quelle que soit leur situation réelle. Désormais, les crédits carbones peuvent donc être achetés et vendus sur des marchés spécialisés. Par exemple, une entreprise qui dépasse ses quotas d’émissions peut acheter des crédits carbones pour compenser ses excès. Ils offrent une flexibilité aux entreprises qui peuvent acheter des crédits pour compenser leurs émissions, lorsqu’il est difficile pour celles-ci de les réduire directement. Les entreprises qui utilisent des crédits carbones peuvent avec le temps améliorer leur image de marque auprès des consommateurs sensibles à l’écologie, sans vraiment agir en réalité pour lutter contre la pollution et le changement climatique.

Le crédit carbone, à quel prix ?

Comme c’est le cas pour n’importe quelle spéculation ou les matières premières des pays en développement ou des pays à revenus faibles, les spéculateurs se sont intéressés au crédit carbone et ce nouvel actif à valeur environnementale est devenu une marchandise très rentable. Ils ont fait main-basse sur les crédits carbones, auprès des bénéficiaires, pour les conserver pendant un moment, afin de les revendre plus tard. Ainsi qu’il en est dans tous les marchés, la spéculation jouant, les spéculateurs encaissent au passage une plus-value. La tonne de C02 qui s’échangeait autour de 6 euros entre 2015 et 2017 est passée au 30 juillet 2024 à 68,38 euros (prix d’un crédit carbone sur le marché SEQE-UE). Certains spécialistes de la question climatique estiment que le crédit carbone, dont l’objectif principal est d’œuvrer pour le bien de la planète, a été détourné de son but pour servir la cause d’intérêts financiers particuliers et privés, au détriment de l’intérêt commun des peuples, des populations et de la nature. Le crédit carbone est donc devenu du business, comme toute autre spéculation sur les marchés mondiaux. Si bien que son efficacité est remise en question en fonction de la qualité et de la vérification des projets financés. Car, certaines entreprises peuvent utiliser les crédits carbone pour donner une fausse impression de durabilité sans réduire réellement leurs émissions et protéger l’environnement. Par ailleurs, la gestion et l’achat de crédits carbone peuvent être complexes et coûteux, surtout pour les petites entreprises qui n’ont pas les moyens de rivaliser avec les grandes multinationales. Celles-ci sont donc défavorisées par rapport aux multinationales.

Des alternatives pour renforcer l’efficacité du crédit carbone ?

Il y a donc un risque que les entreprises, particulièrement les multinationales, se reposent trop sur les crédits carbones au lieu de chercher réellement à réduire directement leurs émissions et leurs nuisances de l’environnement. En définitive, bien que les crédits carbones soient un outil utile pour la réduction des émissions de GES, ils doivent être utilisés de manière judicieuse et en complément d’autres efforts de durabilité, pour avoir un réel impact sur la réduction des émissions de GES et contribuer ainsi à la lutte contre le changement climatique. Les efforts de durabilité peuvent concerner (i) l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments, des industries et des transports, (ii) le passage aux sources d’énergie renouvelable comme l’énergie solaire, l’hydraulique et la géothermie, (iii) l’adoption de pratiques de réutilisation, de recyclage et de réduction des déchets, (iv) la promotion de l’utilisation des transports en commun, des modes de transport actifs comme le vélo et la marche, (v) la mise en œuvre des pratiques agricoles durables, telles que l’agroforesterie, la rotation des cultures et la réduction de l’utilisation des engrais chimiques, (vi) la reforestation et la conservation des forêts, en plantant des arbres et en protégeant les forêts existantes.

Roselyne Kandel pour Humaniterre

roselyneaka@yahoo.fr

Crédit photo : AFP