Naivasha, Kenya
Dimanche 07 Dรฉcembre 2025
Par Julie CAPELLE
Photos Tony Karumba,
Lors d’une visite de un dimanche, l’รฉquipe de M. Wambugu a dรฉplacรฉ cinq girafes au cours d’une opรฉration complexe ayant nรฉcessitรฉ des dizaines de personnes, plusieurs vรฉhicules et mรชme un hรฉlicoptรจre, d’oรน sont repรฉrรฉs les animaux รฉparpillรฉs sur un vaste espace et d’oรน sont tirรฉes des flรฉchettes anesthรฉsiantes.




– Anesthรฉsie dangereuse –
La girafe est selon un vรฉtรฉrinaire du KWS prรฉsent,ย Dominic Mijele, l’animal “le plus dur” ร dรฉplacer. Fragile, elle peut succomber ร une chute, mais aussi donner des coups de sabots violents ร ceux qui l’approchent.
L’imposant mammifรจre doit รชtre immobilisรฉ physiquement avant de pouvoir รชtre transportรฉ, mais son anesthรฉsie doit รชtre brรจve car “la distance entre (son) cลur et (son) cerveau est importante”, รฉnonce-t-il.
Pour permettre au cerveau de s’oxygรฉner, le cลur doit ainsi fonctionner ร pleine capacitรฉ, quand les mรฉdicaments utilisรฉs ralentissent le rythme cardiaque, explique encore le vรฉtรฉrinaire.
La girafe, une fois les yeux bandรฉs et rรฉveillรฉe, est dirigรฉe ร l’aide de cordes ร l’intรฉrieur d’une remorque, elle-mรชme hissรฉe ensuite ร l’arriรจre d’un camion, dans laquelle elle parcourra, ร cรดtรฉ d’une congรฉnรจre, une trentaine de kilomรจtres jusqu’ร son nouveau lieu de vie, la rรฉserve privรฉe Oserengoni.
Une fois sur place, le vรฉtรฉrinaire les observera une semaine. “D’ici deux jours, elles devraient avoir รฉtabli leur territoire”, estime-t-il, espรฉrant que “dans les annรฉes ร venir, leur nombre augmentera”.
Des opรฉrations similaires sont menรฉes presque chaque mois au Kenya, explique M. Mijele, principalement ร cause de la dรฉgradation de l’environnement. Mais aussi car les conflits entre l’Homme et la faune sauvage se multiplient.
Dans un pays oรน la population รฉtait estimรฉe en 2024 ร 56,4 millions d’habitants par la Banque mondiale, contre 30 millions en 2000, la privatisation des terres s’accรฉlรจre et va de pair avec une forte spรฉculation fonciรจre.



– Dilemme –
Les ruraux kรฉnyans s’installent souvent dans des zones servant de refuge ร la faune sauvage, note Evan Mkala, responsable de programmes pour le Fonds international pour la Protection des animaux (Ifaw).
Les alentours du lac Naivasha, haut-lieu touristique du pays, mais aussi zone d’activitรฉ รฉconomique croissante, est ainsi “envahi” par l’humain, observe-t-il.
Face ร la montรฉe de ses eaux, un phรฉnomรจne vieux de plusieurs annรฉes qui s’est encore accru ce mois-ci ร la faveur de fortes pluies, des milliers de personnes ont dรป รชtre dรฉplacรฉes… ainsi que quatorze girafes, plus de 100 zรจbres et de nombreux autres animaux.
Mais ces relocalisations sont “techniques et trรจs chรจres”, remarque M. Mkala. Elles ne sont dรฉclenchรฉes que lorsqu’un “point critique” est atteint, poursuit-il. Ce qui arrive toutefois de plus en plus frรฉquemment au Kenya.
Dans un pays comptant des centaines de parc naturels et de rรฉserves privรฉes, qui gรฉnรจrent d’importants revenus touristiques, il s’agit donc de “concilier” croissance dรฉmographique, dรฉveloppement รฉconomique et prรฉservation de la faune, affirme Philip Muruthi, le vice-prรฉsident de la Fondation pour la faune africaine.
“Devons-nous faire des compromis? Ou devons-nous simplement identifier les zones ร protรฉger et celles que nous risquons de perdre” pour l’habitat sauvage?, s’interroge-t-il lors d’un entretien.
Un dilemme que rencontrent nombre de pays africains, alors que le continent connaรฎt une forte augmentation de sa population.
Mais “l’Afrique n’a pas ร choisir entre la conservation de la faune sauvage, la protection de la nature et le dรฉveloppement”, tranche M. Muruthi, pour qui le bien-รชtre des humains et celui des animaux est “indissociable”.
Humaniterre avec AFP






