Mardi 27 aoรปt 2024
Paris,ย France
Le 26 juin 2019, la justice kรฉnyane suspendait la construction d’une centrale ร charbon, pour laquelle une mine devait รชtre creusรฉe. Une rare victoire pour les militants environnementaux d’Afrique, oรน le minerai est surtout louรฉ pour ses bienfaits รฉconomiques, qu’importe sa contribution au rรฉchauffement climatique.
Omar Elmawi, trรจs engagรฉ contre le projet, รฉtait ce jour-lร au Tribunal national de l’Environnement. Joint par tรฉlรฉphone par l’AFP, il se souvient “des larmes de joie” d’habitants de Lamu, un site paradisiaque inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, prรจs duquel la centrale devait รชtre รฉrigรฉe.
“C’est un des moments les plus forts de ma vie”, sourit-il. Cinq ans de mobilisation et d’action judiciaire avaient finalement portรฉ leurs fruits.
La centrale, d’un coรปt de deux milliards d’euros, que la Chine devait largement financer et construire, n’a donc pas vu le jour. Pas plus que la mine devant l’approvisionner en charbon, situรฉe dans le comtรฉ de Kitui, des centaines de kilomรจtres plus ร l’ouest.
Si les promoteurs du projet, que soutenait le gouvernement kรฉnyan, ont fait appel, Omar Elmawi estime infimes leurs chances d’aboutir. “Nous avons mis la barre haut”, se fรฉlicite le militant, dans un Kenya oรน “90% de l’รฉnergie est verte” (hydroรฉlectricitรฉ, solaire, รฉolien), alors que le charbon est polluant et source de rรฉchauffement climatique, dont l’Afrique est justement l’une des principales victimes.
A quelques milliers de kilomรจtres de lร , lors d’une confรฉrence sur les mines en Afrique se tenant mi-juillet ร Paris, le Niger, pays aride et pauvre, affirme pourtantย “ne pas avoir honte de faire la promotion” de ce minerai.
– “4% des รฉmissions mondiales” –
Dans un contexte de fort dรฉficit national en รฉlectricitรฉ, le charbon “est notre porte de sortie”, affirme ร l’AFP Ousseini Hadizatou Yacouba, qui รฉtait la ministre des Mines du Niger avant le rรฉcent coup d’Etat dans ce pays.
Si les sols nigรฉriens sont riches en uranium, en lithium et en terres rares, et malgrรฉ un fort potentiel en รฉnergie solaire, “nous ne sommes pas dans la logique oรน on va dire: +N’exploitons pas le charbon parce que c’est source de pollution+”, assure Mme Yacouba.
Et d’ironiser: “Est-ce qu’une usine de charbon au Niger fait plus d’รฉmissions que les nombreux vรฉhicules et autres industries qu’il y a” en Europe ?
Le raisonnement est sensiblement le mรชme en Cรดte d’Ivoire, oรน 22 mines, la plupart d’or, sont en exploitation, 180 permis d’exploitation ont รฉtรฉ dรฉlivrรฉs, et d’importants gisements de gaz et de pรฉtrole ont รฉtรฉ dรฉcouverts offshore.
“Mรชme si aujourd’hui on arrivait ร รฉliminer les รฉmissions africaines, รงa ne changerait rien au rythme du rรฉchauffement de la terre”, quand l’Afrique “ne contribue qu’ร hauteur de 4% aux รฉmissions de gaz ร effetย de serre” mondiales, estime le ministre ivoirien des Mines, de l’Energie et du Pรฉtrole.
Egalement interrogรฉ par l’AFP ร Paris, Mamadou Sangafowa Coulibaly vante le bilan “net zรฉro carbone” des hydrocarbures en Cรดte d’Ivoire, oรน “chaque gramme de CO2 รฉmis correspond ร un projet qui permet de l’absorber”, notamment via la reforestation.
L’argument rappelle ceux employรฉs par le gรฉant franรงais TotalEnergies, qui a rรฉcemment entamรฉ l’exploitation de pรฉtrole dans le plus grand parc national d’Ouganda et construit un olรฉoduc chauffรฉ de 1.443 km pour transporter cette matiรจre jusqu’aux cรดtes tanzaniennes.
Conspuรฉ par des associations de dรฉfense de l’environnement en Ouganda et en Occident ainsi que nombre de citoyens, le projet est ร l’inverse fortement soutenu par les gouvernements ougandais et tanzanien qui le prรฉsentent comme une source รฉconomique majeure pour leurs pays.
– “Dividende dรฉmographique” –
“On ne peut pas arrรชter le dรฉveloppement de pays souverains”, remarque Pierre-Samuel Guedj, cofondateur d’Affectio Mutandi, une agence de conseilย partenaire de la confรฉrence sur les mines s’รฉtant tenue ร Paris.
Et d’insister sur le “dividende dรฉmographique” ร considรฉrer au-delร de l’enjeu climatique. En 2050, il y aura 2,5 milliards d’Africains, soit deux fois plus qu’aujourd’hui, qu’il faudra selon lui “nourrir” et donc “faire travailler”, souligne-t-il.
Le Bรฉnin dont les sols regorgent, selon son ministre des Mines Samou Seรฏdou Adambi, de lithium, cobalt, tantale, chrome et nickel, voit dans ces minerais “l’un des moteurs de son dรฉveloppement รฉconomique”.
“Le lithium, c’est pour les batteries, qui peuvent รชtre fabriquรฉes au Bรฉnin, espรจre-t-il. รa va faire des milliers d’emplois. รa va agir de faรงon significative sur le chรดmage des jeunes”.
Une autre donnรฉe du problรจme est ainsi que “pour faire la transition รฉcologique”, il est “inรฉluctable” de creuser de nouvelles mines, car “le recyclage” des mรฉtaux dรฉjร extraits “ne suffira jamais”, observe Jean-Claude Guillaneau, du Bureau de recherches gรฉologiques et miniรจres, un รฉtablissement public franรงais.
La question est d’autant plus รฉpineuse que, selon cet expert, “l’activitรฉ miniรจre dans son ensemble consomme environ 10% de l’รฉnergie mondiale”.
Seule solution pour M. Guillaneau, le “cycle vertueux” dans lequel les sociรฉtรฉs miniรจres – autrefois hermรฉtiques aux questions environnementales – sont aujourd’hui lancรฉes, par crainte notamment qu’un scandale n’affecte leur cours boursier.
“Des panneaux solaires et des รฉoliennes pour fournir les mines, il y en a maintenant partout. En Afrique du Sud, on voit apparaรฎtre de premiers camions miniers ร hydrogรจne vert”, note-t-il. “Siย 10% de l’รฉnergie mondiale est consommรฉe par les mines, et que ces 10% viennent de panneaux photovoltaรฏques, d’รฉoliennes ou d’hydrogรจne vert, c’est quand mรชme quelque chose”.
HUMANITERRE avec AFP