Comment l’amande de karité est transformée en beurre
Le marché du beurre de karité inexistant
Les femmes de la belle cité de Ferkéssédougou ne sont pas uniquement
des épouses au foyer. En dehors des travaux champêtres, bon nombre
d’entre elles ont décidé de s’occuper sainement à travers des activités
industrielles. C’est notamment le cas de 80 femmes regroupées au sein de
la coopérative Womingnon (qui signifie en français, la réussite de tous).
Créée en 1996, cette coopérative s’est lancée dans l’extraction du beurre
de karité. Ainsi, avec l’aide de partenaires au développement, tels que
Manos Unidas et du Gouvernement Basque de l’Espagne, de l’Anader
Pader-Nord de la République de Côte d’Ivoire et de l’Allemagne, les
femmes de la coopérative Womingnon ont réussi à obtenir une unité
d’extraction du beurre de karité. La vice-présidente de la coopérative, Mme
Silué Korotoumou Kanabien entourée de sa trésorière, Mme Yéo Agnès et
de quelques membres que nous avons rencontrées le jeudi 29 avril 2010 à
la faveur d’une mission à Ferkéssédougou, nous ont permis de retracer la
chaîne de production du beurre de karité depuis le fruit de karité. « Quand
les fruits de karité mûrissent et tombent, il y a des femmes collectrices qui
sont dans les villages pour les ramasser, les faire cuir et les sécher.
Pendant le séchage, les femmes veillent au taux d’humidité du produit », a
expliqué Mme Silué. Vient ensuite le concassage des graines pour en
retirer les amandes. C’est après cette étape que la coopérative entre en
scène par l’achat des amandes avec les femmes collectrices. Les produits
rentrent à l’usine pour être stockés dans un magasin. La capacité
journalière de transformation de l’unité de production est de 1 300
kilogrammes d’amandes pour 400 kilogrammes de beurre de karité. Suivant
la chaîne de production, les membres de la coopérative sortent les
amandes du magasin de stockage et les lavent avant de les sécher. A
l’aide d’une bascule, les amandes passent par la pesée avant de se
retrouver dans la torréfaction pour être grillées et cuites. L’étape suivante,
c’est la machine de presse à vice qui broie les amandes, les presse pour
séparer l’huile brute des tourteaux d’amande. Lorsque l’huile brute n’est pas
totalement décantée, la substance obtenue passe dans le tamiseur vibreur
pour séparer les impuretés avant d’aborder la dernière étape qui est le
passage dans le filtre à presse pour l’obtention de l’huile pure. A cet effet,
du tissu fin est disposé dans le filtre pour ne pas laisser les impuretés
s’échapper. L’huile pure obtenue est conservée dans des fûts de 200 litres
pour la solidification qui donne ainsi le beurre de karité. Lequel beurre sert,
selon Mme Silué, à l’alimentation, comme pommade corporelle pour le
massage et pour le traitement de la fontanelle des nouveaux-nés.
Les tourteaux d’amandes utilisés comme combustible
Dans la chaîne de production du beurre pur de karité, rien ne se perd, tout
se transforme. Ainsi, après l’obtention du beurre de karité, les tourteaux
d’amande rejetés sont utilisés comme combustible et quelquefois comme
aliments de bétail. L’une des difficultés majeures de la coopérative
Womingnon, après l’obtention du beurre, reste l’écoulement de leurs
produits. La vice-présidente de la coopérative Womingnon, Mme Silué a
déploré le problème de débouchés. « Il nous faut un marché. Le marché
local est pratiquement inexistant. Notre beurre de karité n’est pas exporté.
Pour vendre à l’extérieur, on nous demande d’être certifiée », a affirmé
Mme Silué selon qui la certification qu’on leur demande coûte cher. Elle a
ajouté que la coopérative n’a pas besoin de certification parce qu’elle suit
les normes de séchage et de transformation de l’amande en huile, avant
l’obtention du beurre. N’empêche que cette coopérative reste ouverte à la
démarche vers la certification, le temps d’obtenir l’appui nécessaire de
certains partenaires. La coopérative sollicite également l’aide de certaines
bonnes volontés pour l’acquisition d’un groupe électrogène afin de parer
aux problèmes d’électricité qui l’empêchent de travailler. En effet, au
moment où nous effectuions la visite de l’unité en début d’après-midi, la
ville de Ferkéssédougou était plongée dans un délestage. Il nous a été
donc difficile de voir les machines tourner, faute d’électricité. Il n’y a pas
que l’électricité qui est le véritable problème de ladite coopérative. Victime
de pillage pendant la crise de 2002, le moteur de la broyeuse de l’unité de
transformation a été emporté. Les membres de la coopérative sollicitent
également une aide à ce niveau pour pouvoir remettre en route cette
machine. Afin d’accroître leur capacité de production, les membres de la
coopérative ont décidé de s’inspirer de l’expérience du Burkina Faso qui
dispose d’un verger de karité. « On compte effectuer une visite au Burkina
Faso pour nous inspirer de leur expérience avant de la reproduire en Côte
d’Ivoire », a indiqué Mme Silué. En attendant d’y arriver, il faut noter que la
saison du fruit de karité a débuté le mois de mai et que la collecte va durer
deux à trois mois. La période actuelle est donc propice au ramassage des
fruits. Pour l’obtention de la bonne qualité de beurre de karité, il est
recommandé de ramasser les fruits avant qu’ils ne germent. Après la
cuisson, pendant le séchage, il faut déplacer chaque fois le produit pour
éviter que l’humidité s’attaque aux graines. Etant en pleine période de
collecte, la coopérative n’attend pas mieux qu’un groupe électrogène afin
d’assurer la production sans discontinuité.
Irène BATH (envoyé spéciale à Ferké)
Légende 1: Une vue de l’unité de production du beurre de karité avec de la
gauche vers la droite, le torréfacteur, la presse à vice, le filtre à presse et le
tamiseur vibreur. (Code photo: Karité 1)
Légende 2: La vice-présidente la coopérative Womingnon, Mme Silué
Korotoumou Kanabien découvrant un fût de beurre de karité. (Code photo:
Karité 2)
Encadré: Le PNUD équipe l’unité de production de Womingnon
Dans le cadre de l’appui à la relance des activités de la coopérative
Womingnon de Ferkéssédougou, le Programme des Nations Unies pour le
Développement (PNUD) a doté l’unité de production de cette coopérative
de deux bâtiments. Il s’agit d’une maison de reconditionnement du beurre
de karité équipée de barriques et de bassines devant contenir le beurre pur,
et d’un bâtiment, sorte de préau pour tenir les réunions de la coopérative.
Dès qu’on accède à cette unité de transformation, l’élément qui frappe
aussitôt c’est la propreté du site. La preuve que ces dames respectent les
normes de qualité. Pour le séchage de l’amande une fois lavée, les
membres de la coopérative ont dégagé un espace qui a été cimenté à cet
effet. Afin de réussir le projet de lutte contre la pauvreté dans le Nord, de
telles initiatives ont besoin d’être soutenues. Ce qu’a bien compris le Pnud
I.B.
Légende: Une vue du bâtiment offert par le PNUD, et de l’espace de
séchage des amandes de karité. (Code photo: Karité 4)