Cet arbre qui porte le nom de la ville de Taï mais que vous ne verrez peut-être pas lorsque vous vous rendrez à Taï.
La perte de la biodiversité est une menace réelle dans les pays tropicaux, compte tenu du rythme de la déforestation. La Haute Forêt Guinéenne, qui couvre une bonne partie des pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest n’échappe pas à cette érosion de la biodiversité, avec notamment la disparition d’espèces endémiques à cette région. C’est le cas d’un arbre forestier endémique à la Côte d’Ivoire et au Ghana : Aubregrinia taiensis. Cette espèce de la famille des Sapotaceae (famille de l’arbre du beurre de karité) est classée par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) comme en danger critique d’extinction (CR). La plante porte le nom de la ville de Taï (c’est le nom que le premier chercheur qui découvert la plante a bien voulu lui donner). Toutefois, on ne trouve aucun individu de l’espèce ni dans ville de Taï ni dans ses environs.
Localement, des initiatives sont prises pour la préservation de ces espèces. Ainsi, depuis quelques années, des chercheurs ivoiriens du Centre Suisse de Recherches Scientifiques en Côte d’Ivoire (Prof Adama Bakayoko et Dr Doudjo Ouattara) mènent un travail de recherche, de localisation et de multiplication de cette plante, en collaboration avec des chercheurs du Ghana. La tâche n’est pas du tout facile pour cette équipe pour plusieurs raisons. L’éloignement de la zone de distribution (région du Parc national de Taï, à l’Ouest de la Côte d’Ivoire) ne facilite pas plusieurs missions de prospection de longues durées. La plante est naturellement rare et de nombreuses populations ne la connaissent pas. Si la plante porte un nom vernaculaire (Zankoressou) dans la région de Soubré, il n’existe aucun nom local chez les peuples de Taï pour la plante. Très peu d’échantillons de Aubregrinia taiensis ont été récoltés et déposés dans les herbiers. Ainsi, il est difficile de choisir les zones à investiguer une fois que l’on se trouve dans la région.
Après 3 ans d’investigation dans et autour du Parc national de Taï (PNT), les chercheurs n’ont pu localiser qu’un seul individu de Aubregrinia taiensis. De plus, aucune floraison ou fructification n’a été observée sur cet individu après 3 ans d’observation. Cet individu n’étant pas situé à l’intérieur du PNT, sa survie reste problématique. Des essais de multiplication végétative à partir de boutures prélevées sur les branches de la plante n’ont pas donné de résultats satisfaisants. En effet, bien que l’on observe un débourrage, celui n’est pas suivi d’enracinement des boutures, d’où leur mort quelques mois après l’apparition des feuilles. Vivement que la Mairie de Taï travaille avec les chercheurs pour faire de cet arbre son emblème et une espèce « flag species » pour la conservation et l’écotourisme dans la région.
Dr Ouattara Noufou Doudjo
Biologiste forestier,
Enseignant-Chercheur à l’université NANGUI ABROGOUA
Chercheur Associé et Responsable du Domaine d’Activités Principales Biodiversité Végétale et Bioproductions au Centre Suisse de Recherches Scientifiques en Côte d’Ivoire