Dakar, Sénégal
Moussa Ndoye, 28 ans, boit d’un trait deux sachets plastiques d’eau fraîche et les jette sur une plage de Dakar. “Ici, c’est notre poubelle”, rigole-t-il devant ses copains approbateurs assis autour du thé à l’ombre d’une grande pirogue.
Ce geste négligent, ils sont innombrables à le faire chaque jour.
Les sachets vides transparents de la taille d’une poche traînent partout, surtout en ces mois où la température ne descend pas sous les 30 degrés. Sur la plage de Hann, ils se mêlent à une masse de déchets drainée par les eaux nauséabondes de canalisations défectueuses. Ils jonchent les abords des stades et le pied des chantiers. Personne n’y prête attention.
“Il y en a beaucoup sur la plage, ça fait partie des déchets plastiques qu’on voit le plus”, constate Pape Diop, responsable d’une association de protection de l’environnement. Pratiques, partout disponibles dans les commerces ou auprès des vendeurs de rue, moins chers que les bouteilles, ils font partie du quotidien, même de l’importante corporation des pêcheurs.
Avant, “pour boire, les pêcheurs emmenaient des bidons en mer. Maintenant ils utilisent les sachets d’eau, puis les jettent. Ces déchets finissent tous ici (sur la plage) car la mer les rejette”, rapporte M. Diop.
Ces sachets sont un produit de consommation courante dans un certain nombre d’autres pays d’Afrique, au Nigeria, en Côte d’Ivoire, au Burkina. Ils sont proscrits au Kenya ou au Rwanda, en vertu d’interdictions sur les plastiques à usage unique remontant à 2017 et 2019.
Le Sénégal lui-même a voté une loi analogue en 2020. Elle est restée lettre morte en ce qui concerne les sachets d’eau. L’Ouganda connaît une situation similaire.
– Effet Covid –
Conséquence: des quantités de sachets finissent dans la rue, végétant sur le béton dakarois ou disparaissant dans le sable omniprésent même en ville. Les poubelles publiques sont inexistantes. Le nettoyage laisse à désirer, le recyclage est balbutiant. Plus de 250.000 tonnes de plastique sont jetées chaque année, près de 30.000 seulement sont recyclées, disait un rapport du ministère de l’Urbanisme en 2022.
Différents interlocuteurs de l’AFP soulignent la nocivité de ces sachets, qui mettent 400 ans à se décomposer en microplastiques, selon le professeur Adams Tidjanis, environnementaliste.
Non seulement ils polluent les eaux, mais ils obstruent les évacuations et contribuent aux inondations qui affligent chaque année les Dakarois. Il est commun qu’on les brûle, ce qui libère des dégagements toxiques.
La loi adoptée en 2020 complétait une législation de 2015 qui proscrivait la vente de sacs plastiques fins mais n’était guère appliquée. Le nouveau texte visait les plastiques à usage unique et jetables, comme les pailles pour les boissons ou les emballages dans le commerce.
Les autorités avaient presque immédiatement consenti des exceptions, dont les sachets d’eau ont fait partie. Le Sénégal était en plein Covid-19, les restrictions affectaient durement la population, dont une grande part vit au jour le jour. Le gouvernement avait décidé d’assouplir l’application.
Khadidjatou Dramé, chargée des affaires juridiques au ministère de l’Environnement, reconnaît que “nos réalités socio-économiques ne nous permettent pas d’aller vers leur interdiction totale”.
La fabrication, dans des unités artisanales ou industrielles, et la distribution font travailler des milliers de personnes.
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Textes et photo: AFP
In Humaniterre media de l’humanitaire et du développement durable
Titre de la rédaction.