09 mai 2024
Kagtaou,ย Tchad
Sous une chaleur รฉcrasante, Dรฉclador Rimleldeoudje se faufile dans son champย entre des milliers de tiges qui, espรจre-t-il, se mรฉtamorphoseront en centaines de kilos de coton, l’or blanc de cette rรฉgion du sud du Tchad, dont la culture est aujourd’hui menacรฉe.
A l’entrรฉe de son villageย de Kagtaou, ร une soixantaine de kilomรจtres de Moundou, la “capitale” du Sud fertile,ย une gigantesque benne dรฉbordant deย coton n’a toujours pas รฉtรฉ achetรฉe par la sociรฉtรฉ semi-privรฉe CotonTchad et les pluies, imprรฉvisibles, font craindre aux cotonculteurs de perdre leur rรฉcolte avant leur achat.
“Le coton, รงa nous plaรฎt mais c’est trop difficile, (…) nous n’avons pas un climat stable. C’est un handicap. Cela joue sur le tonnage”, explique cet agriculteur de 24 ans, dont les bรฉnรฉfices ont รฉtรฉ divisรฉsย par trois depuis la prรฉcรฉdente rรฉcolte.
A Kagtaou,ย tout le monde ou presque vit du coton. Mais de plus en plus se dรฉcouragent, touchรฉs de plein fouet par les effets du changement climatique et les conflits ancestraux entre รฉleveurs et agriculteurs.
-Changement climatique-
“Les manifestations du changement climatique”, qui entraรฎnent des “irrรฉgularitรฉs pluviomรฉtriques tantรดt marquรฉes par des pรฉriodes de sรฉcheresse ou d’inondations sporadiques” entraรฎnent notamment des “baisses รฉnormes de la production”, explique le climatologue ร l’Universitรฉ de N’Djamena Laohote Baohoutou.
Elles ont aussi exacerbรฉ les ancestraux conflits agropastoraux, selon lui.
Ils opposent รฉleveurs nomades venant des zones arides sahรฉliennes du nord aux cultivateurs autochtones sรฉdentaires du sud. Les premiers faisant passer ou paรฎtre leurs troupeaux dans les champs des seconds, ou bien leur disputant la propriรฉtรฉ de certaines terres.
Au moins 23 personnes ont รฉtรฉ tuรฉes fin mars en sept jours d’affrontements et ces combats, frรฉquents, n’รฉpargnent ni femmes ni enfants.
A cela s’ajoute, les destructions causรฉes par les pluies diluviennes. Selon l’ONU, les inondations de 2022 ont ravagรฉ plus de 350.000 hectares de culturesย et fait pรฉrir 20.000 tรชtes de bรฉtail, laissant “la partie sud du pays la plus durement touchรฉe”.
“Ca nous dรฉcourage”, soupire Dรฉclador, “J’ai l’impression que le sud n’est pas comptรฉ sur la carte du Tchad (…), il n’y a pas d’aides”.
Depuis avril, le continent africain fait face ร des phรฉnomรจnes climatiques extrรชmes: dans lโOuest, des vagues de chaleurs dรฉpassant 48ยฐCelius; dans lโEst des pluies diluviennes aux consรฉquences meurtriรจres notamment au Kenya et en Tanzanie.
-“Oubliรฉs par le pays”-
Autrefois l’un des secteurs les plus florissants de l’agriculture tchadienne, le coton a vu sa part dans le PIB et les exportations se rรฉduire comme peau de chagrin, de 2,15% des exportations en 2015 ร 0,7% en 2020, selon la Banque mondiale.
Lundi pour la prรฉsidentielle, certains comme le prรฉsident de l’association villageoise des cotonculteurs de Kagtaou, “abandonnรฉs, oubliรฉs par le pays” comptent sur un changement politique pour amรฉliorer leur situation. [โฆ]
Ses promesses de “justice et รฉgalitรฉ” sรฉduisent de nombreux cotonculteurs dรฉsลuvrรฉs qui ne bรฉnรฉficient d’aucune compensation lorsque leur champ est dรฉtruit par du bรฉtail ou des intempรฉries.
Humaniterre
Sourceย : AFP