Paris- France
La Haute autorité de santé (HAS) a recommandé dans un communiqué en date du mardi 15 novembre 2022 de généraliser à tous les nouveaux-nés français le dépistage de la drépanocytose, maladie génétique aux effets potentiellement graves, un avis rendu dans la foulée de mesures prises par le gouvernement en ce sens.
De nouvelles données, notamment épidémiologiques, ont modifié l’appréciation de la HAS, expose-t-elle dans son communiqué. Lors de sa précédente évaluation, en 2014, elle avait préconisé de poursuivre le dépistage ciblé.
Ce dépistage concerne les nouveaux-nés aux parents originaires de zones où le risque génétique est plus important (Antilles, Guyane, Réunion, Mayotte, Afrique subsaharienne,Cap-Vert, Brésil, Inde, océan Indien, Madagascar, Ile Maurice, Comores, Algérie, Tunisie, Maroc, Italie du Sud, Sicile, Grèce, Turquie, Liban, Syrie, Arabie Saoudite, Yémen, Oman).
La drépanocytose est une maladie héréditaire du sang, qui affecte les globules rouges. C’est l’une des maladies génétiques les plus répandues dans le monde, en particulier en Afrique.
En France, elle est plus rare, mais touche près de 30.000 personnes, selon les chiffres gouvernementaux.
Elle se manifeste entre autres par une anémie, des crises douloureuses et un risque accru d’infections. Ses répercussions peuvent être graves : c’est, par exemple, la première cause d’accident vasculaire cérébral chez l’enfant.
“C’est la seule maladie dépistée à la naissance dont l’incidence augmente régulièrement : 557 cas ont été dépistés en 2020 contre 412 en 2010” en France, observe la HAS.
Jusqu’alors, le dépistage ciblé est hétérogène selon les régions : “Plus de trois enfants sur quatre en bénéficient en Ile-de-France, contre à peine un sur deux à l’échelle nationale en 2020, alors qu’aucune région n’est indemne de cas”, ajoute-t-elle.
En outre, “un risque d’erreur dans le ciblage” par les soignants a été montré par des études et signalé par des professionnels, selon l’autorité sanitaire.
Le dépistage à la naissance permet d’engager immédiatement des traitements de nature à alléger les symptômes et éviter les complications.
“Unanimes sur l’intérêt d’élargir le dépistage”, les associations, professionnels et institutions consultés par la HAS “n’ont pas remis en cause la capacité d’adaptation du système de santé à l’augmentation du flux de tests”.
Ils ont aussi “souligné que la généralisation du dépistage remédiait au risque de stigmatisation des populations actuellement ciblées”.
La généralisation du dépistage de la drépanocytose est déjà, de fait, intégrée au projet de loi de financement de la sécurité sociale par un amendement gouvernemental ajouté après l’arrêt, via le 49-3, des débats sur le texte à l’Assemblée nationale.
Cette mesure serait expérimentée trois ans, puis pourrait être indéfiniment étendue si elle apparaissait probante.
La France rattrape ainsi son retard en matière de dépistage à la naissance. Durant les deux ou trois jours qui suivent la naissance d’un enfant, un dépistage est proposé à la maternité à tous les jeunes parents.
Ce “test de Guthrie” se présente sous la forme d’un buvard qui va recueillir une goutte de sang prélevé sur le talon du nourrisson. Un dépistage de la surdité est réalisé en même temps.
Le test, dont les résultats sont en général connus sous dix jours, n’est pas obligatoire, mais fortement recommandé.
Créé en 1972, ce programme national gratuit permet de détecter certaines maladies rares chez le nouveau-né, telles que la mucoviscidose ou l’hypothyroïdie congénitale, avant l’apparition des premiers signes.
Depuis le 1er janvier 2023, à la suite des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS), le dépistage a été étendu à sept maladies supplémentaires, des affections héréditaires rares affectant le métabolisme.
“Chaque année, une de ces maladies sera dépistée sur 50 à 60 nouveaux nés, qui rejoindront les 1.100 bébés sauvés par le dépistage”, s’est réjoui lors d’une récente conférence de presse Michel Polak, responsable du Centre régional de dépistage néonatal d’Ile-de-France basé à l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP.
“L’acquisition de spectromètres de masse en tandem, des machines permettant d’analyser sur une même tâche de sang de nombreuses maladies d’un coup, a été décisive”, relève Jean-Baptiste Arnoux, pédiatre coordonnateur du groupe de travail dépistage au sein de la filière maladies rares G2M. “Mais la technologie ne suffit pas, pendant longtemps on a manqué de volonté politique”.
Contrairement à de nombreux pays comme la Belgique et l’Allemagne, la France a longtemps été opposée au dépistage “génétique” à la naissance, beaucoup d’élus agitant des craintes autour d’une menace d'”eugénisme”. Mais les choses ont changé avec la loi de bioéthique de 2021.
Le dépistage à la naissance pour les maladies génétiques telles que la drépanocytose serait plus que salutaire en Afrique où cette maladie fait des ravages..en silence. L’Afrique est le continent où la drépanocytose, maladie déclarée comme une priorité de santé publique au monde par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), est plus fréquente. La lutte contre cette maladie est confrontée à des défis ; l’un d’entre eux est le dépistage néonatal que l’on devrait rendre obligatoire, comme dans les pays européens ou le taux de prévalence est moindre.
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