Lundi 27 janvier 2025
Goma, RD Congo
“J’รฉtais en train de fuir, j’ai รฉtรฉ touchรฉ par les balles”: assis sur un lit en fer, Rรฉponse Izabayo, la vingtaine, fait partie des plus de 200 blessรฉs de guerre arrivรฉs en moins de trois semaines ร l’hรดpital de Goma, dans l’est de la RDC.
Dans cette rรฉgion de la Rรฉpublique dรฉmocratique du Congo (RDC) riche en ressources naturelles, les conflits sโenchaรฎnent et font rage depuis une trentaine d’annรฉes. Mais ces derniรจres semaines, le M23, groupe armรฉ qui combat le gouvernement de Kinshasa dans la province du Nord-Kivu au cรดtรฉ de 3.000 ร 4.000 soldats rwandais, a encore gagnรฉ du terrain. Les affrontements contre les forces armรฉes congolaises se sont intensifiรฉs, les blessรฉs multipliรฉs.
La batailleย se divise sur plusieurs fronts autour de Goma, capitale provinciale d’environ un million d’habitants quasi encerclรฉe par les combats et oรน des centaines de milliers de dรฉplacรฉs s’entassent en pรฉriphรฉrie.
Difficile de prรฉdire quand la citรฉ, prise en 2012, tombera ร nouveau aux mains du M23.ย Mais les combats les plus proches se tiennent dรฉsormais ร une vingtaine de kilomรจtres seulement, dans les collines de Sake.
A Goma, l’hรดpital soutenu par le Comitรฉ international de la Croix-Rouge (CICR) n’est jamais vraiment vide. Mais depuis le dรฉbut du mois, il a reรงu un afflux alarmant de blessรฉs: 211 patients en vingt jours, la plupart blessรฉs par balles ou dans l’explosion d’un obus.
“Actuellement, le nombre de lits n’est plus suffisant. On est en sur-occupation partout”, explique ร Myriam Favier, cheffe de la sous-dรฉlรฉgation du CICR au Nord-Kivu.ย Selon elle, de plus en plus de civils et enfants de moins de 18 ans font partie des blessรฉs.
– “Une bombe a explosรฉ” ย –
Dans le bรขtiment, une femme vรชtue d’une robe en tissu traditionnel tient un enfant dans ses bras. Le petit garรงon porte un t-shirt avec des dinosaures imprimรฉs. Il a la tรชte bandรฉe. Des รฉclats de verre l’ont touchรฉ dans l’explosion d’un obus.
“Nous รฉtions enfermรฉs dans la maison avec toute la famille, on craignait les coups de feu. Une bombe a explosรฉ derriรจre la maison”, raconte Antoinette Mugisha. Sur douze personnes terrรฉes lร pendant des combats ร Ngungu, localitรฉ ร environ 70 km ร l’ouest de Goma, six ont รฉtรฉ blessรฉs.
Plus loin, dans une autre salle de soins, un jeune homme, le corps รฉlancรฉ, clopine sur une jambe. Un soignant en tenue blanche le soutient par un bras. Sur une cuisse, un bandage ensanglantรฉ. Une balle lui a traversรฉ la cuisse.
Depuis le dรฉbut du mois, les blocs opรฉratoires de l’hรดpital tournent ร plein rรฉgime. Le CICR prend en charge tout ce qui relรจve de la chirurgie de guerre. Les opรฉrations les plus frรฉquentes sont liรฉes ร des blessures par balles.
Sur des lits alignรฉs cรดte ร cรดte, des patients restent immobiles les yeux clos. Certains sont sous oxygรจne. La plupart sont branchรฉs ร des perfusions. Quelques-uns ne portent plus de vรชtements, sans doute depuis un passage rรฉcent au bloc.
Dans la piรจce, seuls le bip rรฉgulier des machines et le bourdonnement des ventilateurs viennent rompre le silence.
Au-dessus des lits, des tableaux blancs rappellent quelques consignes: “contrรดle glycรฉmie trois fois par jour”, “dernier test hรฉmoglobine 21h”, “pose drain thoracique d’urgence”.
Ces blessรฉs ont pour la plupart รฉtรฉ transportรฉs sur des brancards, pendant quatre ou cinq heures de marche, par des proches ou des membres de la communautรฉ. Faute de routes et d’infrastructures de secours, ils sont nombreux ร ne jamais atteindre un hรดpital.
Humaniterre avec AFP