Samedi 27 juillet 2024
Paris,ย France
Par Laurence COUSTAL
๐๐๐ฎ๐๐ช๐ ๐ญ๐๐ด ๐ฅ๐ฬ๐ฑ๐ข๐ต๐ฬ๐ด ๐ณ๐๐ซ๐๐ต๐ก๐ฆ๐๐ต ๐ญ๐ ๐๐ฐ๐ ๐๐ฆ ๐ฅ๐ฬ๐ฑ๐ฬ๐ฏ๐๐ญ๐๐ด๐๐ต๐๐ฐ๐ ๐๐ฆ๐ ๐๐ถ๐ก๐ช๐๐ข๐ก๐ช๐๐ฏ๐ ๐๐ฆฬ๐๐ช๐ก๐ข๐๐ฆ๐
Les dรฉputรฉs gambiens ont rejetรฉ lundi 15 juillet dernier une proposition de loi qui aurait dรฉpรฉnalisรฉ les mutilations gรฉnitales fรฉminines (MGF), une pratique douloureuse et dangereuse interdite dans la plupart des pays mais encore subie par plus de 230 millions de filles et femmes dans le monde.
– Ablation ou accolement –
Ces mutilations, pratiquรฉes pour desย ย raisons non mรฉdicales, regroupent essentiellement l’ablation partielle ou totale du clitoris, l’excision (ablation totale ou partielle du clitoris et des petites lรจvres) ou l’infibulation (rรฉtrรฉcissement de lโorifice vaginal par lโablation et l’accolement des lรจvres externes ou internes, avec ou sans excision du clitoris), la forme la plus extrรชme oรน n’est laissรฉ qu’un minuscule orifice, pour permettre aux fillettes d’uriner puis, plus tard, ร leurs rรจgles de s’รฉcouler.
Le type de mutilations varie selon les pays: au Soudan, 71% des victimes รขgรฉes de 10 ร 19 ans ont subi une infibulation. Au Yรฉmen, il s’agit ร 90% d’excisions et ร Djibouti ร 90% d’ablations partielles ou totales du clitoris.
– Progression et croissance dรฉmographique –
Le nombre de femmes et de filles qui vivent avec des mutilations gรฉnitales fรฉminines dรฉpasse aujourd’hui les 230 millions. Soit 15% de plus qu’en 2016 (30ย millions de victimes supplรฉmentaires), a annoncรฉ l’Unicef dans un rapport publiรฉ en mars estimant que cette hausse รฉtait en grande partie liรฉe ร la croissance de la population dans les pays oรน ces mutilations sont pratiquรฉes.
“Mais avant la pandรฉmie mondiale du COVID, les chiffres รฉtaient plutรดt encourageants avec une baisse significative”, prรฉcise ย Isabelle Gillette-Faye, prรฉsidente de la Fรฉdรฉration nationale du Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles (GAMS). Les MGF existant depuis six siรจcles avant Jรฉsus-Christ, les rรฉsultats obtenus en lโespace dโune trentaine dโannรฉes sont nรฉanmoins “trรจs encourageants”, ajoute-t-elle.
– “Manifestation du patriarcat” –
Les MGF “sont considรฉrรฉes au niveau international comme รฉtant une violation des droits humains des femmes et des filles, notamment de leurs droits ร la santรฉ, ร la sรฉcuritรฉ et ร l’intรฉgritรฉ physique, ainsi que de leur droit ร la vie lorsque ces pratiques ont des consรฉquences mortelles”, indique l’ONU.
“C’est l’une des manifestations les plus vicieuses du patriarcat qui rรจgne dans notre monde”, s’insurgeait son secrรฉtaire gรฉnรฉral Antonio Guterres en 2023.
Douloureuses, parfois mortelles (sans que le nombre de dรฉcรจs qui en dรฉcoule ne puisse รชtre estimรฉ), elles peuvent laisser des sรฉquelles psychologiques et physiques permanentes, comme des problรจmes de fertilitรฉ, des complications ร l’accouchement, des bรฉbรฉs morts-nรฉs, des douleurs pendant les rรจgles, au moment d’uriner et lors des relations sexuelles.
– 99% des femmes en Somalie –
LโAfrique estย le continent le plus concernรฉ avec plus de 144 millions de femmes et de filles mutilรฉes, essentiellement dans une sรฉrie de pays formant une bande de la Corne de l’Afrique ร la cรดte atlantique, avec notamment la Somalie (99% des femmes entre 15 et 49 ans), la Guinรฉe (95%) et Djibouti (90%). Mais aussi en Egypte (87%).
L’Asie (Indonรฉsie et Maldives) compte 80 millions de victimes et le Moyen-Orient (Yรฉmen et Irak) six millions, selon l’Unicef.
Certains pays enregistrent une baisse significative, comme le Burkina Faso oรน le pourcentage d’adolescentes de 15 ร 19 ans mutilรฉes est passรฉ en 30 ans de 83% ร 32%, les Maldives (de 38% ร 1%), le Libรฉria (de 54% ร 20%) ou la Sierra Leone (de 95% ร 61%).
“Au niveau mondial, pour les pays dans lesquels nous avons des donnรฉes quantitatives, il ressort clairement que la gรฉnรฉration des filles est moins exposรฉe aux mutilations sexuelles fรฉminines que les mรจres”, dรฉtaille Isabelle Gillette-Faye.
– Travail de longue haleine –
Selon l’Unicef, les avancรฉes se font trop lentement pour compenser la croissance dรฉmographique dans les rรฉgions oรน cette pratique est la plus rรฉpandue. Il faudrait que les progrรจs soient 27 fois plus rapides pour รฉradiquer cette pratique d’ici 2030, comme visรฉ par les Objectifs de dรฉveloppement durable de l’ONU.
Lรฉgifรฉrer est nรฉcessaire mais pas suffisant: “les MGF sont par exemple trรจs pratiquรฉes en Guinรฉe, la prรฉvalence est de 95% alors que la loi lโinterdit. Et en Gambie, la prรฉvalence est de 73%”, dรฉtaille Isabelle Gillette-Faye. Dans ce pays d’Afrique de l’Ouest ร majoritรฉ musulmane, le dรฉputรฉ Almameh Gibba, dรฉfenseur d’une levรฉe de l’interdiction des MGF, avait arguรฉ qu’il s’agissait du “droit des citoyens ร pratiquer leur culture et leur religion”.
“Face aux normes sociales, cโest un travail de longue haleine”, explique Mme Gillet-Faye.
Mais les leviers sont nombreux : lโinformation, lโรฉducation, la communication, la scolarisation des filles comme des garรงons… “Dans tous les pays sans exception, dรจs que le niveau scolaire atteint la fin du primaire, il y a une baisse significative” des mutilations gรฉnitales, argue la sociologue.
Humaniterre avec AFP