𝐏𝐑𝐈𝐌𝐀𝐓𝐎𝐋𝐎𝐆𝐔𝐄 – 𝐃𝐄𝐅𝐄𝐍𝐒𝐄𝐔𝐑 𝐃𝐄 𝐋𝐀 𝐍𝐀𝐓𝐔𝐑𝐄 – 𝐅𝐎𝐍𝐃𝐀𝐓𝐄𝐔𝐑 𝐃𝐄 𝐖𝐈𝐋𝐃 𝐂𝐇𝐈𝐌𝐏𝐀𝐍𝐙𝐄𝐄 𝐅𝐎𝐔𝐍𝐃𝐀𝐓𝐈𝐎𝐍
𝟏𝟏 𝐚𝐨𝐮̂𝐭 𝟏𝟗𝟓𝟏 – 𝟏𝟒 𝐣𝐚𝐧𝐯𝐢𝐞𝐫 𝟐𝟎𝟐𝟒
Christophe est né le 11 août 1951 à Saint-Gall, en Suisse. Il était le deuxième enfant de ses parents, il avait un frère de huit ans son aîné, André. Son père Ernst Boesch était alors psychologue scolaire à Saint-Gall, c‘était son premier emploi après avoir étudié avec Jean Piaget à Genève (et l‘œuvre de Piaget a également été importante pour Christophe lorsqu‘il a étudié l‘ontogenèse de l‘utilisation et du transport d‘outils chez les chimpanzés). Sa mère, Claire Guy, avait la double nationalité française et suisse, tout comme ses enfants par la suite. La mère, avec son amour du violon, a influencé très tôt l‘intérêt musical de ses enfants.
Après une nomination du père à l‘université de la Sarre, la famille s‘installe à Sarrebruck. C‘est là que sa sœur Monique est née en 1953. Le père répond alors à un appel de l‘UNESCO en Thaïlande, en tant que psychologue culturel, pour diriger l‘institut des „Child Studies“ à Bangkok. En 1958, il retourne à Sarrebruck. En 1959, les parents se sont séparés et la mère a vécu à Paris avec les trois enfants.
Paris a marqué Christophe de manière durable, il aimait le mode de vie français, mais on sentait aussi dans son caractère le Suisse un peu introverti. Avec leur mère, les enfants ont découvert „La Comédie française“ et les magnifiques „brasseries parisiennes“, et Christophe a commencé à étudier la flûte traversière, dont il jouait très bien. Plus tard, il est devenu autodidacte au piano. C‘est tellement plus facile de respirer qu‘avec la flûte, expliquait-il. En mai 1968, la mère craignait que la France ne se désintègre et, pour protéger ses enfants des émeutes, la famille est rentrée en Suisse, à Genève, au grand dam de Christophe. A Genève, après son baccalauréat au Collège Calvin, Christophe étudie la biologie. Il y découvre non seulement sa fascination pour l‘étude du comportement et les grands singes, mais aussi une jeune femme, Hedwige, qui organise des cours pour les étudiants de l‘Institut de zoologie en tant qu‘assistante. Adolescent, Christophe lisait déjà Konrad Lorenz et Jane Goodall, mais avec George Schaller, il a été conquis – les gorilles devaient l‘être. Il a déployé une grande énergie pour mener les recherches de terrain de sa thèse de diplôme, dans les volcans Virunga du Ruanda, auprès de la célèbre Diane Fossey. A son retour, il s‘est à nouveau investi à fond dans la recherche d‘une possibilité d‘observer des grands singes sauvages, et il avait entre-temps également transmis le virus à son amie Hedwige.
Le professeur Bourlière à Paris mentionna alors les chimpanzés casseurs de noix dans la forêt de Taï en Côte d‘Ivoire, qui n‘avaient pas encore été étudiés par le monde scientifique. Ceci n‘est pas tombé dans l‘oreille d‘un sourd. Son premier séjour dans la forêt de Taï était rendu possible par une bourse du professeur Rudolf Schenkel de l‘université de Bâle. Ensuite, par l‘intermédiaire d‘un ami, Duri Rungger, le professeur Hans Kummer a pu être convaincu d‘offrir à Christophe une chance dans son institut à Zurich.
Il y a préparé pendant un an les recherches de terrain sur les chimpanzés de Taï en vue de son doctorat. A partir de 1979, peu après leur mariage, Christophe et Hedwige ont vécu pendant 12 ans sur le territoire d‘un groupe de chimpanzés dans la forêt tropicale, d‘abord en couple pendant 6 ans, puis les 6 années suivantes avec leur fils Lukas, né en 1983, suivi en 1988 par leur fille Léonore. Cette période a marqué le début de la carrière de Christophe en tant que primatologue et défenseur de la nature. Et c‘est aussi à cette occasion qu‘ils ont découvert leur passion pour l‘art africain.
Christophe a obtenu son doctorat en 1983 avec le professeur Hans Kummer à l‘université de Zurich. Après avoir rendu visite aux Boesch dans la forêt de Taï, le professeur Steve Stearns lui a offert un poste dans son institut à l‘université de Bâle. Ces deux grands professeurs ont été les principaux mentors et compagnons de route de Christophe dans sa vie professionnelle. Et, pendant 18 ans, ses recherches sur les chimpanzés de la forêt de Taï ont été financées sans interruption par le Fonds national suisse. Ensuite, en 1998, la société Max-Planck l‘a appelé à participer à la fondation du nouvel Institut d‘anthropologie évolutionnaire à Leipzig. C‘est là qu‘il a découvert une nouvelle vie de chercheur, qui lui a permis d‘élargir ses recherches, et il a su profiter de cette formidable opportunité. Il a accompagné plus de 70 étudiants jusqu‘à leur doctorat, il a publié plus de 400 articles, écrit 3 livres, le quatrième reste inachevé, plusieurs films ont été tournés sur son travail et il a reçu des prix pour son œuvre.
En 2000, il a créé la « Wild Chimpanzee Foundation », qui est active en Côte d‘Ivoire, au Libéria et en Guinée et emploie près de 300 personnes en Afrique. Il a déclaré à propos de cette œuvre de protection des chimpanzés menacés et de leur habitat naturel : „Pour moi, c‘est un cri du cœur de rendre quelque chose aux chimpanzés qui m‘ont permis de faire ma carrière professionnelle“.
A Leipzig, Christophe et Hedwige ont profité de la grande culture musicale, et il trouvait chaque jour son équilibre face à l‘ordinateur sur son piano à queue. L‘amour de Christophe pour la France est resté intact. Il retournait régulièrement avec sa famille dans sa maison près des Alpes savoyardes. Les montagnes du massif du Mont-Blanc et leur faune sont devenues son deuxième refuge. Il aimait partir en randonnée et gravir une montagne : le pénible Mont Buet, la maudite Pointe Percée, et il aimait par-dessus tout le magnifique lac encaissé d‘Anterne. Un moment inoubliable pour lui fut l‘ascension du Petit Mont Blanc avec l‘ami Lionel. Et surtout, même en dehors de la montagne, il mène avec Hedwige, ses deux enfants et leurs conjoints une vie heureuse et aux multiples facettes. Ces dernières années, sa grande joie est allée à ses 3 petits-enfants, Aurelia, Frida et Augustin.
Le 14 janvier 2024, le destin a frappé. Ce n‘est pas dans la jungle africaine, où il est retourné régulièrement pendant 40 ans, que sa vie a été menacée, non, il nous a quittés après une courte maladie dans une clinique de Leipzig, dans des circonstances et des suites non élucidées d‘une opération en soi simple. En Afrique, on dit « la maladie a gagné… » La joie de vivre de Christophe, son charisme, sa passion pour la recherche et la protection de la nature, ont eu une influence durable sur de nombreuses personnes. A ce sujet aussi, on dirait en Afrique „Avec lui, c‘est toute une bibliothèque qui disparaît…“.
HEDWIGE BOESCH
Vice- Présidente de WCF ( Wild Chimpanzee Foundation)
Hommage à son époux – Dr Christophe Boesch