Samburu, Kenya
Lundi 10 novembre 2025
Par Julie CAPELLE
“Nous n’avons plus de bovins ร la maison”, explique cet รฉleveur samburu, une ethnie semi-nomade. “Nous รฉlevons uniquement des chameaux”, poursuit-il, en rรฉfรฉrence aux dromadaires, qui font partie de la famille des chameaux, ou camรฉlidรฉs.
Les mammifรจres au long cou et ร une bosse, qui peuvent se nourrir d’herbes sรจches et sont capables de rester plus d’une semaine sans boire, sont de plus en plus nombreux dans le nord du Kenya, vulnรฉrable au rรฉchauffement climatique. D’autant qu’ils produisent jusqu’ร six fois plus de lait que le cheptel traditionnel.
Un รฉleveur samburu rassemble son troupeau de chรจvres avant de partir paรฎtre depuis une manyatta (un village pastoral) prรจs de Sereolipi, le 29 septembre 2025. Ces mammifรจres au long cou, qui peuvent se nourrir d’herbes sรจches, passer plus d’une semaine sans boire et produire jusqu’ร six fois plus de lait que les bovins indigรจnes, sont de plus en plus nombreux dans le nord du Kenya, oรน les chocs climatiques ont exacerbรฉ la malnutrition et alimentรฉ les tensions au cours des derniรจres dรฉcennies.
Le 29 septembre 2025, Chapan Lolpusike, un รฉleveur samburu รขgรฉ de 35 ans, puise de l’eau dans un puits pour abreuver certains de ses chameaux avant de partir paรฎtre prรจs de son manyatta (village pastoral) prรจs de Sereolipi.



Les autoritรฉs du comtรฉ de Samburu ont lancรฉ un vaste programme de sรฉcuritรฉ alimentaire basรฉ sur ces quadrupรจdes en 2015, aprรจs plusieurs รฉpisodes de sรฉcheresse qui avaient dรฉcimรฉ au moins 70% des bovins des zones arides et semi-arides kรฉnyanes, avec un impact dรฉvastateur en terme de malnutrition. 5.000 dromadaires Somali – une espรจce plus grande et plus productive que le cheptel autochtone – ont dรฉjร รฉtรฉ distribuรฉs, dont 1.000 durant l’annรฉe รฉcoulรฉe.
– Lait nutritif –

Le 29 septembre 2025, Chapan Lolpusike, un รฉleveur samburu รขgรฉ de 35 ans, puise de l’eau dans un puits pour abreuver certains de ses chameaux avant de partir paรฎtre prรจs de son manyatta (village pastoral) prรจs de Sereolipi.


Chapan Lolpusike, 35 ans, รฉleveur samburu, (C) discute avec sa femme Soilin Lolpusike, 25 ans, et certains de ses enfants, en attendant que le thรฉ au lait de chamelle soit prรชt, dans la hutte oรน elle vit avec sa famille dans un manyatta โ un village pastoral โ prรจs de Sereolipi, le 29 septembre 2025.
M. Lolpusike, qui ne connaissait rien aux camรฉlidรฉs, en a reรงu en 2023.
Dans sa manyatta, un hameau de huttes rectangulaires รฉtabliย dans une zone de savane arbustive, une dizaine de dromadaires sont allongรฉs, mรขchonnant paisiblement des herbes sรจches.
Le but est qu’ร terme, chaque famille du comtรฉ ait les siens, explique ย James Lolpusike, l’administrateur du village, qui n’a aucun lien familial avec l’รฉleveur. “Si la sรฉcheresse persiste, les bovins disparaรฎtront”, contrairement aux dromadaires qui les “remplaceront”, observe-t-il.
Les camรฉlidรฉs restent moins bien connus que les bovins, admet le responsable. Certains de leurs troupeaux ont รฉtรฉ dรฉcimรฉs par les maladies, ont pointรฉ plusieurs รฉtudes.
Mais un changement positif est “visible” dans le nord et l’est de Samburu, oรน ces mammifรจres peuvent รชtre observรฉs en plus grand nombre le long des routes, et les enfants sont en meilleure santรฉ, se fรฉlicite-t-il.
Dans la manyatta de Chapan Lolpusike, les habitants se rรฉjouissent que les chamelles puissent รชtre traites jusqu’ร cinq fois par jour.
“Les vaches, on ne les trait que lorsque l’herbe est verte”, explique Naimalu Lentaka, 40 ans.ย “Les chamelles (..) ย pendant la saison sรจche, on les trait encore, et c’est lร toute la diffรฉrence”, se rรฉjouit-elle.
Dans la rรฉgion, dรฉsormais, les familles “dรฉpendent des chameaux, de ceux qui en ont”, assure Naimalu Lentaka.
– Instrument de paix –
Le lait de dromadaire et le lait maternel humain prรฉsentent des propriรฉtรฉs nutritionnelles et thรฉrapeutiques similaires, pointait en 2022 une รฉtude de l’universitรฉ kรฉnyane de Meru (centre). Durant les saisons de sรฉcheresse prolongรฉe, le lait contribue jusqu’ร 50% de la consommation totale de nutriments parmi les communautรฉs pastorales du nord du pays.
L’animal est d’ailleurs une star dans la rรฉgion, oรน une course d’endurance lui est dรฉdiรฉe. Au “derby international de chameaux de Maralal”, une ville du comtรฉ de Samburu, une quarantaine de dromadaires se sont รฉbrouรฉs fin septembre devant une foule joyeuse.
Le vainqueur a parcouru 21 kilomรจtres, l’รฉquivalent d’un semi-marathon, en 1h22, soit bien plus que nombre de coureurs de fond locaux.
Mais l’รฉvรฉnement visait surtout ร promouvoir les “interactions culturelles pacifiques”.
Car au rang de ses innombrables vertus, le dromadaire est aussi dรฉcrit comme un vecteur de paix.
Les bovins, la saison sรจche venue, doivent รชtre emmenรฉs sur des terres plus fertiles, oรน ils peuvent croiser des troupeaux d’autres communautรฉs, engendrant des conflits entre รฉleveurs qui ont fait des centaines de morts.
Mais les dromadaires, eux, restent sur place, se fรฉlicite l’administrateur James Lolpusike, et “rรฉduisent les conflits”.
Mais mรชme pour les rรฉsilients animaux, “nous avons besoin de plus d’eau”, constate-t-il. “En rรฉalitรฉ, (…) nous prions pour que la situation n’empire pas.”
Humaniterre avec AFP






