Ruhengeri, Rwanda
Samedi 07 dรฉcembre 2025
Par Moses GAHIGI et Eric RANDOLPH
Photos par Vivien LATOUR
Mais les FDLR ont souffert cette annรฉe alors qu’un groupe armรฉ soutenu par le Rwanda, le M23, a lancรฉ une offensive dans cette rรฉgion, dont il contrรดle dรฉsormais de grandes parties.
En avril, “le M23 nous a poussรฉs dans un endroit oรน nous ne pouvions rien trouver ร manger”, raconte Mbale Hafashimana Amos . “J’ai vu plus de 150 soldats mourir de faim et de dรฉshydratation. C’รฉtait affreux.”
Le Rwanda nie officiellement soutenir le M23, malgrรฉ des accusations rรฉcurrentes de la communautรฉ internationale, notamment de l’ONU.
En septembre, une mission d’enquรชte onusienne rapportait de possibles “crimes de guerre” et “crimes contre l’humanitรฉ” commis par “toutes les parties”, M23 comme FLDR, alors que des milliers de civils ont รฉtรฉ tuรฉs depuis le dรฉbut de l’annรฉe dans l’Est de la RDC.


– Menace existentielle –
Mais le Rwanda est รฉgalement saluรฉ pour son accueil des FDLR ayant fait dรฉfection. Tous sont hutus, et beaucoup ont participรฉ – ou sont nรฉs en RDC de pรจres ayant participรฉ – au gรฉnocide de 1994, au cours duquel jusqu’ร 800.000 personnes, principalement des Tutsis, mais aussi des Hutus modรฉrรฉs, ont รฉtรฉ massacrรฉes.
“L’idรฉologie gรฉnocidaire est toujours omniprรฉsente au sein des FDLR” et est enseignรฉe aux nouvelles recrues pour les dresser “contre le gouvernement rwandais”, narre Mbale Hafashimana Amos.
Lui-mรชme pensait รชtre abattu lorsqu’il s’est rendu cette annรฉe. Au lieu de cela, il s’est retrouvรฉ dans le camp de rรฉhabilitation de Mutobo, au Rwanda.
Le pays d’Afrique des Grands lacs n’est pourtant pas tendre avec les FDLR, que son prรฉsident Paul Kagame qualifie de “gรฉnocidaires”, dont l’existence-mรชme constitue une menace existentielle pour le Rwanda. Un pรฉril minorรฉ par de nombreux experts, pour qui leurs quelques milliers de combattants ont plutรดt servi d’excuse pour envahir l’Est de la RDC.
M. Kagame, crรฉditรฉ d’un miracle รฉconomique, bien visible dans la capitale rwandaise, est รฉgalement accusรฉ de diriger le pays d’une main de fer et de museler toute opposition.
Mais peu nient les efforts sincรจres dispensรฉs sous sa fรฉrule ces derniรจres dรฉcennies au Rwanda pour guรฉrir les divisions ethniques entre Hutus et Tutsis qui ont conduit au gรฉnocide.
Le gouvernement rwandais a donnรฉ ร l’accรจs au camp de Mutobo, situรฉ dans des collines ร la vรฉgรฉtation luxuriante, par lequel selon Kigali des dizaines de milliers de combattants hutus et leurs familles sont passรฉs depuis sa crรฉation en 1997.
Les nouveaux arrivants bรฉnรฉficient d’abord de trois semaines de “calme”, explique Cyprien Mudeyi, un retraitรฉ de l’armรฉe qui dirige Mutobo. “Ils sont trรจs craintifs ร cause de l’idรฉologie qui leur a รฉtรฉ inculquรฉe”, remarque-t-il, mais “progressivement, la peur se dissipe.”



L’AFP a observรฉ environ 200 “bรฉnรฉficiaires” qui chantaient des chansons aux paroles telles que: “Il y a un secret derriรจre la sรฉcuritรฉ dans mon pays le Rwanda, qui a dรฉconcertรฉ le monde” ร des รฉtudiants venus de Zambie.
Les ex-FLDR passent environ trois mois dans le camp, recevant des cours d’histoire, un soutien psychologique et une formation dans des mรฉtiers comme la plomberie, la couture ou la coiffure.
Tendre la main ร l’ennemi รฉtait terrifiant, observe Nzayisenga Evariste, 33 ans, un ancien caporal FDLR arrivรฉ en septembre, qui craignait lui aussi d’รชtre exรฉcutรฉ.
Les FDLR “nous ont dit que le Rwanda est un pays de Tutsis, oรน les Hutus n’ont aucune voix, et que si vous y allez, ils vous tuent”, se souvient-il, balayant dรฉsormais ces “mensonges”.
L’installation au Rwanda n’est pas toujours facile. Certains ex-FLDR, aprรจs leur passage ร Mutobo, essaient de retourner sur leurs terres ancestrales, qu’ils trouvent occupรฉes, ce qui entraรฎne parfois des confrontations violentes. D’autres portent des traumatismes profonds qui les handicapent dans leurs nouvelles vies.
“De nombreux anciens combattants des FDLR ont eu des difficultรฉs”, note Nzeyimana Wenceslas, 60 ans, .
Lui qui a fui la jungle congolaise en 2011 est aussi passรฉ par Mutobo. La formation et le soutien qu’il y a reรงus lui ont permis, dit-il, de crรฉer une entreprise de sรฉcuritรฉ prospรจre employant selon lui ร la fois d’anciens combattants hutus et tutsis.
Mbale Hafashimana Amos espรจre รฉgalement bรขtir une nouvelle vie sur les ruines de son passรฉ violent. “Je vais… essayer de rattraper le temps perdu”, souffle-t-il.
Humaniterre avec AFP





