Bamako, Mali
Mardi 11 novembre 2025
Dans le quartier des affaires de Bamako, des centaines de voitures et de motos ร l’arrรชt s’agglutinent nuit et jour sur un boulevard, dans l’attente qu’une des trois stations-service s’y alignant distribue du carburant alors que la capitale malienne subit unย blocus imposรฉ par les jihadistes, rendant difficile le quotidien des habitants.
“Je suis ร cette place depuis trois jours. J’ai passรฉ deux nuits ici”, se lamente Karim Coulibaly, chauffeur de bus d’une trentaine d’annรฉes “au chรดmage” faute d’essence.
En trois jours, un seul camion-citerne est venu ravitailler les cuves. Le carburant s’est รฉcoulรฉ en une heure sous la surveillance des forces de l’ordre.
Comme partout dans la capitale, le ravitaillement est rationnรฉ ร 10.000 francs CFA (15 euros), soit environ 13 litres d’essence.
Le litre, vendu ร la pompe ร 725 francs CFA (1,10 euro), est revendu sur le marchรฉ noir 2.000 francs CFA (3 euros), selon des habitants interrogรฉs par l’AFP.
“On n’a pas le choix. C’est ร prendre ou ร laisser”, souffle un consommateur ayant souhaitรฉ conserver l’anonymat.
Depuis septembre, le Groupe de soutien ร l’islam et aux musulmans (JNIM), affiliรฉ ร Al-Qaรฏda, s’attaque aux camions-citernes de carburant venant notamment du Sรฉnรฉgal et de la Cรดte d’Ivoire, par oรน transite la majoritรฉ des biens qu’importe le Mali.

Un homme montre un jerrican vide ร Bamako, le 28 octobre 2025. Dans le quartier des affaires de Bamako, des centaines de voitures et de motos s’entassent jour et nuit sur un boulevard, attendant que l’une des trois stations-service distribue enfin du carburant. La capitale malienne souffre d’un blocus imposรฉ par les djihadistes, rendant la vie quotidienne extrรชmement difficile pour les habitants. Depuis septembre, le Groupe de soutien ร l’islam et aux musulmans (JNIM), affiliรฉ ร Al-Qaรฏda, prend pour cible les camions-citernes, en particulier ceux en provenance du Sรฉnรฉgal et de la Cรดte d’Ivoire, par lesquels transitent la majoritรฉ des marchandises importรฉes au Mali. (Photo AFP)

– Habitants au chรดmage forcรฉ –
Selon le JNIM, le blocus est une mesure de reprรฉsailles aprรจs l’interdiction par les autoritรฉs de la vente de carburant hors stations-service en milieu rural, oรน le carburant est acheminรฉ en jerricanes pour รชtre vendu ensuite. La mesure avait pour but d’assรฉcher les moyens d’approvisionnement des jihadistes, selon les autoritรฉs.
Malgrรฉ les escortes de l’armรฉe, plusieurs camions ont รฉtรฉ incendiรฉs, et des chauffeurs et militaires tuรฉs ou enlevรฉs dans des embuscades jihadistes.
L’ambassade amรฉricaine au Mali a exhortรฉ ย ses ressortissants ร “quitter immรฉdiatement” le pays en raison de “la nature imprรฉvisible de la situation sรฉcuritaire ร Bamako”.
Dans la foulรฉe, l’Italie et l’Allemagne ont รฉgalement demandรฉ ร leurs ressortissants de quitter le pays.
Alors que le blocus se fait ressentir depuis deux semaines dans la capitale, l’รฉconomie du pays sahรฉlien enclavรฉ tourne au ralenti.
“Cela fait une semaine que je ne vais plus au travail”, explique Oumar Diallo, un fonctionnaire dans la file d’attente longue d’un kilomรจtre.
La pรฉnurie exacerbe รฉgalement les coupures d’รฉlectricitรฉ rรฉcurrentes qui plombent l’รฉconomie malienne depuis cinq ans, l’รฉnergie du pays รฉtant essentiellement thermique.
– Pรฉnurie d’รฉlectricitรฉ –
De 19 heures par jour, la fourniture d’รฉlectricitรฉ a รฉtรฉ ramenรฉe ร six heures par รnergie du Mali (EDM).
Mamadou Coulibaly, un รฉlectricien de 23 ans, n’a pas pu travailler depuis une semaine, รฉtant injoignable car son tรฉlรฉphone et ses batteries externes sont dรฉchargรฉs.
Chez son dernier client, il a dรป attendre des heures le courant – qui n’est jamais venu – pour localiser une panne รฉlectrique. Pour rentrer chez lui, il a dรป pousser ร pied sa moto sur vingt kilomรจtres.ย “Depuis, je suis lร , sans argent, sans travail, sans moyen de dรฉplacement…”, peste-t-il.
La junte a annoncรฉ dimanche soir la suspension des cours dans les รฉcoles et les universitรฉs pour deux semaines ร cause de cette pรฉnurie.
En pleine pรฉriode des rรฉcoltes, certains engins agricoles ne peuvent pas fonctionner faute de carburant dans le reste du pays.
“Habituellement, en cette pรฉriode, les prix du riz et du mil baissent, parce que c’est la pรฉriode des rรฉcoltes. Cette annรฉe, ce n’est pas le cas”, dรฉplore Ousmane Dao, 32 ans, vendeur de cรฉrรฉales au Marchรฉ rose de Bamako.
Dans les รฉpiceries aussi, la pรฉnurie de carburant impacte les stocks alimentaires. “On commence ร manquer de spaghettis, de macaronis et de yaourts pourtant fabriquรฉs ici. Les fournisseurs n’ont pas les moyens d’en fabriquer, faute d’รฉlectricitรฉ”, constate Hamidou Maรฏga dans son รฉchoppe bamakoise.
Face ร l’urgence, les Bamakois tentent de trouver des solutions alternatives. Les plus fortunรฉs investissent dans des panneaux solaires pour se fournir en รฉlectricitรฉ.
Comme de nombreux jeunes ร moto, Chaka Doumbia, mรฉcanicien de 22 ans, mise dรฉsormais sur la dรฉbrouille: “Je mรฉlange du solvant pour diluer la peinture avec de l’alcool. Avec รงa, on a de quoi faire marcher son moteur”.ย Au risque, si le mรฉlange est mal dosรฉ, d’enflammer sa machine.
Humaniterre avec AFP






