Pour tous ceux qui se déplacent par voie terrestre dans nos contrées, il y a une unanimité autour d’un fait établi : le voyage en Afrique n’est pas toujours une sinécure, loin s’en faut.
Quel que soit le véhicule – Jeep 4X4, mini car, bus, utilitaire, break ou voiture de luxe – nos pistes et nos routes (quant on peut encore les appeler routes) vous feront voir de toutes les couleurs.
De la terre noire au tronçon sablonneux, de la terre latérite à l’argile mouvante des profondeurs du pays.
C’est en connaissance de cause que, toutefois, j’entreprends ce voyage qui doit me mener jusqu’à San Pedro. Le fameux tronçon dénommé « La Côtière » part de l’entrée sud-est de Yopougon jusqu’aux avants postes de Grand Béréby. Il traverse donc tout le littoral situé au sud de la Côte d’Ivoire, sur le golfe de Guinée.
Nous sommes partis assez tôt d’Abidjan, aux environs de huit heures. Comme à mon habitude, j’ai emprunté un moyen de transport en commun, l’inévitable MASA, depuis que les grands bus n’ont plus cours à cause des dangers qui les guettent sans cesse.
A l’origine de sa construction le masa comporte dix-huit places, mais pour les besoins de la cause (financière) et en toute illégalité, il a été modifié pour prendre vingt et une personnes. Nous sommes à l’étroit dans cette chaleur accablante du mois de Février.
Dès dix heures le soleil distille son lourd dard comme pour annoncer le zénith de la mi-journée. Dans le véhicule à l’espace ainsi restreint, les bagages posés à même le plancher et sous les sièges, nous avons du mal à tenir nos jambes.
C’est dans cette atmosphère que nous roulons allègrement (presque) vers San Pedro situé à 378 kilomètres d’Abidjan. La petite saison de pluie a laissé son héritage de nid de poule et de mares boueuses que semble ignorer royalement notre chauffeur.
À ma gauche et à droite d’un vieillard incontinent, une femme enceinte tient entre ses cuisses une gamine de cinq-six ans.
À chaque arrêt, ou la mère ou la fille, sans tenir compte du voisinage, prennent un évident plaisir à consommer friandises et autres aliments que ne manquent pas de proposer les gens des hameaux et des villages en bordure des routes.
L’odeur des œufs bouillis mêlée à celle des arachides grillées peut indisposer plus d’un. Mais j’en ai vu d’autres…
À cause de nombreux méfaits des coupeurs de route, les villageois ont fini par ériger des barrages de troncs d’arbres en travers de la voie. Ce qui permet aussi de réfréner l’ardeur des fous du volant tentés de passer en trombe dès que la voie le permet. Six heures, pas moins, pour rallier les deux villes. Entre les excavations du goudron, les rackets dans les nombreux postes de police et de qu’en-sais-je encore, les voyageurs qui descendent en route, les ralentissements occasionnés par les gros camions et les porte-conteneurs impossibles à dépasser, on ne meurt pas d’ennui. On se tait par dépit.
Diomède MAÏGA, GLOBEtrotter
UPDATE : Cet article a été rédigé en 2009-2010
Depuis septembre 2021, la côtière soit les tronçons Songon – Dabou – Grand-Lahou (93 Km), Grand-Lahou – Fresco (80 Km) et Fresco – Sassandra – San Pedro – Grand-Béréby (180,5 Km) est en cours de renforcement. D’un coût total de 308 milliards de francs CFA, L’infrastructure routière de 353,5km sera livrée en juin 2023, selon le gouvernement de Côte d’Ivoire.
LA FETE DES IGNAMES EN PAYS DJUABLIN
Agnibilékrou est une localité située à soixante kilomètres au sud d’Abengourou près de la frontière avec le Ghana. Toute cette région de la Comoé est habitée par les Agnis qui parlent le même dialecte à quelque différence près, perceptible surtout dans les accents. Depuis quelques jours, notre petite ville se préparait à célébrer l’événement traditionnel le plus important de l’année, la Fête des Ignames.
Nous sommes en décembre et pendant les vacances de Noel. J’ai donc tout loisir pour vivre pleinement toutes les manifestations. En observateur privilégié, comme tous mes petits camarades qui habitent à l’alentour du palais du roi Kouao Bilé. La fête va durer du mercredi au samedi avec un point crucial au vendredi.
C’est pour préparer ces quatre jours et quatre nuits que les tam-tams se sont fait entendre sans discontinuer depuis fin novembre. Le grand jour est arrivé. Une petite procession de femmes « Komian » tout de blanc vêtues, aux pieds nus et au visage hagard avaient répandu de la poudre de kaolin sur les abords de chaque rue afin de conjurer un éventuel mauvais sort et permettre la réussite de la fête. Les dignitaires et les notables des villages voisins commencent à arriver pour prendre part surtout aux cérémonies sacrificielles.
Des poules blanches et des cabris sont immolés pour sacrifier à la tradition qui tient son origine dans le Moronou, précisément à Akakro. La légende précise que c’est un chef Akan, devenu Agni après avoir fuit l’oppression au Ghana qui a découvert fortuitement ce tubercule d’igname alors qu’une disette sévissait cruellement en ces temps là. Depuis, lorsque la récolte est effectuée, l’on vérifie que le roi ou le chef de la communauté goûte à cette igname nourrissante avant que le peuple des agnis n’en consomme.
C’est pourquoi on attendra le vendredi de la dernière semaine sainte de l’année afin de pouvoir aborder les douze prochains mois dans la quiétude. Durant ces quatre jours de libations, de chant, et de danse, il faudra pardonner à toutes les offenses, purifier son cœur et son corps et ne proférer que des paroles d’amour. Quant à moi, petit écolier, j’ai retenu que les tambourinaires ont rivalisé de virtuosité au grand plaisir des danseurs qui s’en donnaient à cœur joie.
Diomède MAÏGA, globetrotter