Nice,ย France
Mardi 24 juin 2025
Par Antoine AGASSE
Les cornes de brume ont rรฉsonnรฉ le vendredi 13 juin dernier ร Nice, ร la clรดture du sommet de l’ONU sur l’ocรฉan, marquรฉ par une avancรฉe vers une meilleure protection de la haute mer et un ton plus ferme sur l’exploitation des abysses, menacรฉs par les projets de Donald Trump.
Avec la participation record de 64 chefs dโรtat, cette troisiรจme confรฉrence des Nations unies sur les ocรฉans (Unoc) a toutefois รฉchouรฉ ร lever des fonds pour les pays pauvres et a fait l’impasse sur la question centrale des รฉnergies fossiles.
“L’Unoc nous a rappelรฉ que la coopรฉration est encore possible”, a soulignรฉ Laurence Tubiana, architecte de l’accord de Paris sur le climat. Mais “aucun communiquรฉ n’a jamais refroidi une canicule marine”, a-t-elle prรฉvenu.
– Un รฉlan en haute mer –
La ratification du traitรฉ sur la haute mer par 50 pays, actรฉe dรจs lundi, a รฉtรฉ unanimement saluรฉe. Seuls dix pays manquent ร l’appel pour une entrรฉe en vigueur rapide de cet accord international destinรฉ ร mieux protรฉger les eaux internationales, soit la moitiรฉ de la planรจte.
Ce “vรฉritable รฉlan mondial” en faveur du traitรฉ “est une รฉtape dรฉcisive pour la protection des ocรฉans”, a vantรฉ Johannes Mรผller, de l’ONG OceanCare.
La premiรจre confรฉrence des parties (COP) sur la haute mer pourrait avoir lieu dรจs l’automne 2026, selon l’ambassadeur franรงais pour les ocรฉans Olivier Poivre d’Arvor.
– Les abysses divisent –
Dรจs l’ouverture du sommet, les dirigeants de la planรจte ont durci le ton face ร la dรฉcision des รtats-Unis (absents ร Nice) de se lancer unilatรฉralement dans l’exploitation des “nodules” polymรฉtalliques dans les eaux internationales.
Une dรฉcision qualifiรฉe de “folie” et d’action “prรฉdatrice” par le prรฉsident franรงais Emmanuel Macron, tandis que le secrรฉtaire gรฉnรฉral de l’ONU, Antonio Guterres, mettait en garde contre un nouveau “Far West”.
Cette rhรฉtorique inรฉdite n’a pas dรฉbouchรฉ sur un รฉlargissement sensible de la coalition pour un moratoire sur l’exploitation miniรจre des fonds marins. Elle est passรฉe de 32 ร 37 pays seulement, sur les 169 รtats membres de l’AIFM, l’autoritรฉ onusienne chargรฉe de fixer les rรจgles d’exploitation.
“Un code minier doit รชtre approuvรฉ ร l’unanimitรฉ et, avec 37 pays, on va bloquer”, a affirmรฉ vendredi M. Poivre d’Arvor, un mois avant la prochaine rรฉunion de l’AIFM en Jamaรฏque.
– Aires (mieux) protรฉgรฉes –
De la Colombie aux Samoa, en passant par le Portugal ou la Grรจce, 14 pays ont annoncรฉ la crรฉation d’aires marines protรฉgรฉes (AMP), les portant ร plus de 10% de la surface des ocรฉans, contre 8,4% avant le sommet.
D’autres ont renforcรฉ la protection des aires existantes, notamment en y interdisant le chalutage de fond. La faiblesse des annonces de la France, avec une limitation du chalutage de fond sur 4% seulement des eaux de l’Hexagone, a dรฉรงu les ONG.
Il va falloir “faire la course” pour atteindre l’objectif de 30% de protection en 2030 au niveau mondial, et crรฉer 85 nouvelles zones protรฉgรฉes par jour, a prรฉvenu Enric Sala, explorateur de la National Geographic Society.
– Silence fossile –
Responsables du rรฉchauffement et de l’acidification de l’ocรฉan, gaz, pรฉtrole et charbon ont รฉtรฉ les grands absents de cette confรฉrence, pourtant dรฉdiรฉe ร la protection de la vie marine.
“Ignorer l’impรฉratif de sortir du pรฉtrole et du gaz offshore n’est pas seulement une injustice: c’est inadmissible”, a critiquรฉ Bruna Campos, de l’ONG Ciel.
La dรฉclaration finale de Nice, adoptรฉe vendredi, ne fait pas mention de ces รฉnergies carbonรฉes, et encore moins d’une “transition” vers leur abandon, comme lors de la COP28 de Dubaรฏ en 2023.
“Il est impossible de protรฉger les ocรฉans sans s’attaquer ร la principale cause de leur effondrement: la pollution due aux combustibles fossiles injectรฉs sans relรขche dans l’atmosphรจre”, a remarquรฉ l’ancien รฉmissaire amรฉricain pour le climat John Kerry, prรฉsent ร Nice.
– Fossรฉ financier –
Les pays pauvres n’ont pas vu la couleur des 100 milliards de dollars de financement, รฉvoquรฉs par le Costa Rica avant le sommet.ย Les seuls engagements pris, principalement par des philanthropes privรฉs, ont portรฉ sur 8,7 milliards dโeuros sur cinq ans.
“Le fossรฉ est รฉnorme. Nous avons besoin de 175 milliards de dollars (153 milliards d’euros) par an. Or, au cours des cinq derniรจres annรฉes, seuls 10 milliards ont รฉtรฉ mobilisรฉs”, a commentรฉ Li Junhua, sous-secrรฉtaire gรฉnรฉral de l’ONU vendredi.
Humaniterre avec AFP