Abidjan, Côte d’Ivoire

Décembre 2025

Par Roselyne KANDEL

Depuis quelque temps, un sujet défraie la chronique dans le monde et mobilise les énergies et les ressources financières des services de sécurité. Il s’agit de l’immigration illégale ou clandestine. L’intervention du président des Etats-Unis, Donald J. Trump, à la tribune des Nations Unies, le 23 septembre 2025, sur le sujet en dit long sur l’importance de ce phénomène dans le monde et la menace qu’elle pourrait représenter pour les pays d’accueil sur le long terme, en raison des flux incontrôlés.

Qu’est-ce que l’immigration illégale ?

Un canot pneumatique transportant 27 réfugiés et migrants originaires de Gambie et de République du Congo arrive sur l’île de Lesbos après avoir été secouru par un navire de guerre le 29 février 2020.

Les gens s’enfuient alors que la police tunisienne arrive pour démanteler un campement de fortune pour migrants d’Afrique subsaharienne à al-Amra, dans la banlieue de la ville portuaire tunisienne de Sfax, le 5 avril 2025. La Tunisie a commencé le 4 avril à démanteler les camps abritant des milliers de migrants sans papiers d’Afrique subsaharienne, a déclaré la police, à la suite d’une campagne menée contre eux sur les réseaux sociaux. (Photo de FETHI BELAID / AFP)

L’immigration illégale désigne l’entrée ou le séjour d’une personne dans un pays sans respecter les lois migratoires en vigueur. Cela peut inclure l’entrée sans visa ou sans autorisation, le dépassement de la durée de séjour légale et l’utilisation de faux documents ou d’identité usurpée pour séjourner de façon définitive ou sur une longue période dans ce pays. Elle est souvent motivée par des facteurs comme la pauvreté, les conflits ou les guerres, le manque d’opportunités, ou la volonté de rejoindre des proches à l’étranger.

Quelles en sont les conséquences ?

Les effets sont multiples et touchent à la fois les migrants, les pays d’accueil et les pays d’origine. Particulièrement lorsqu’elle est massive. Les migrants sont soumis à l’exploitation et aux abus en travaillant clandestinement, en étant objet de traite des personnes et de violences. Ils sont dans une insécurité juridique qui les expose à toute sorte de maltraitance et à une peur constante d’être expulsés du pays d’accueil vers le pays d’origine ou toute autre destination pas forcément souhaitée, en cas de contrôle. Les risques sanitaires et psychologiques sont énormes en raison de la vie de précarité qu’ils mènent et sont sujets au stress et à l’isolement.

Les pays d’accueil subissent d’énormes pressions sur les services publics en matière de santé, de logement et d’éducation. Les défis sécuritaires que cela engendre ne sont pas négligeables. Les pays d’accueil peuvent être objets d’infiltrations par des réseaux criminels ou terroristes. A cela, il faut ajouter les tensions sociales que le flux non contrôlé peut entrainer pour les populations immigrés. Leur stigmatisation et la montée du populisme, avec tout son lot d’actes de violence non maitrisé n’est pas à exclure.

Les pays d’origine voient, malheureusement par ce phénomène, la perte de leur capital humain (intelligence et main d’œuvre) au profit des pays d’accueil, le renforcement des réseaux de passeurs et trafiquants de tout genre, l’affaiblissement de la confiance dans les institutions.

Une menace insidieuse et grandissante pour les pays d’accueil ?

NEW YORK, NEW YORK – 1ER DÉCEMBRE : Des vendeurs ambulants, dont beaucoup sont récemment arrivés d’Afrique de l’Ouest, vendent des sacs, des montres et des bijoux le long de Canal Street, le 1er décembre 2025, à New York. Ces vendeurs sont récemment devenus la cible de la police new-yorkaise et des services de l’immigration. Une tentative de raid par les services de l’immigration samedi a été déjouée après que des dizaines de manifestants se sont rassemblés pour bloquer les fourgons transportant les agents, qui semblaient vouloir mener un raid contre les vendeurs. Spencer Platt/Getty Images/AFP

Ainsi, en raison de ses implications sécuritaires, économiques, sociales et politiques, l’immigration illégale peut représenter une menace pour la stabilité des pays d’accueil à plusieurs niveaux. Une immigration non régulée facilite, en effet, l’entrée de personnes sans vérification, augmentant les risques liés à la criminalité transnationale ou au terrorisme. Souvent victimes de réseaux de traite humaine, comme mentionné plus haut, les migrants illégaux alimentent des activités criminels et mettent en péril la sécurité publique. Qu’on veuille le reconnaitre ou non, leur présence déséquilibre le marché du travail dans la mesure où ces derniers acceptent des emplois à bas salaire tirant ainsi les conditions de travail vers le bas et créant une concurrence déloyale pour les travailleurs locaux.

Les charges sur les services publics (santé, éducation, logement) non planifiés engendrent des coûts supplémentaires pour l’État, surtout lorsque ces migrants ne contribuent pas fiscalement, puisqu’étant illégaux et par là-même, inconnus officiellement des systèmes de prélèvement. Même si dans certains pays, l’imposition ne dépend pas uniquement du statut migratoire, mais surtout de la présence économique et de la capacité à générer des revenus. Il s’agit là d’un paradoxe qui fait qu’un migrant illégal peut contribuer fiscalement sans être reconnu légalement. Une raison supplémentaire pour éviter ce statut.

Les défis sociaux et culturels ne sont pas à négliger. Sans statut légal, en effet, les migrants vivent souvent en marge de la société, favorisant ainsi leur exclusion, engendrant des tensions communautaires et le développement de zones informelles ou de non-droits. Par ailleurs, il est bon de souligner des cas de non-intégration apparente résultant généralement de barrières linguistiques ou culturelles, de démarches administratives complexes ou sociales, où l’on note que malgré les efforts pour s’intégrer, les traumatismes et les difficultés pratiques (perte de famille, précarité, refus d’embauche) freinent l’adaptation. Il s’agit-là obstacles systémiques. Dans ces cas-ci, il est plus juste de parler de parcours d’intégration entravés ou d’intégration différée, selon les contextes plutôt que d’un refus volontaire. Toute chose qui met à mal l’identité nationale et la cohésion sociale, occasionnant des inquiétudes sur la préservation des valeurs culturelles et l’unité nationale, surtout en période de crise économique ou politique, comme c’est le cas en ce moment presque partout dans le monde.

Comment juguler ce phénomène ?

La lutte contre l’immigration illégale massive ne peut se limiter à la répression. Elle exige une approche globale et équilibrée.Mais surtout, de la prévention dans les pays d’origine. En terme de prévention, en plus de campagnes de sensibilisation à mener, il est important de ne pas négliger les aspects concernant la création d’emplois stables et viables, permettant une insertion sérieuse au moment opportun dans la vie socioprofessionnelle,  une réinsertion socioéconomique sérieuse quand cela est nécessaire, ou des opportunités économiques locales viables.

Les facteurs liés à la déstabilisation des pays d’origine sont à prendre en considération. Car, les conflits armés et guerres (Afghanistan, Syrie, Libye, Iran, Irak, etc.) ont provoqué des déplacements massifs de populations, souvent vers l’Europe ou les pays voisins. Les populations ont fui la violence, l’insécurité et la destruction des infrastructures. L’effondrement d’États ou de régimes politiques (la disparition de l’Union soviétique a entraîné une instabilité dans plusieurs pays d’Europe de l’Est, favorisant des flux migratoires vers l’Ouest), les crises économiques et sociales (Les conflits ont fragilisé les économies locales, créé du chômage massif et détruit les services publics, poussant les jeunes à chercher des opportunités ailleurs), les rébellions internes (En Côte d’Ivoire par exemple, la crise politico-militaire des années 2000 a généré des vagues de départs, notamment vers l’Europe et les pays voisins, car l’insécurité et la division nationale rendaient l’avenir incertain) ne facilitent pas la prévention de l’immigration massive illégale.

Le renforcement de la gouvernance et de la transparence par la suppression des réseaux parallèles de corruption est un aspect qui favorise le renforcement du tissu socioéconomique national. Le contrôle aux frontières, grâce à une coopération bilatérale et régionale adaptée pour la sécurisation des frontières, une technologie de surveillance et la lutte contre les réseaux de passeurs permet de renforcer la prévention.

Au-delà de ces aspects, il est bon d’explorer les voies légales et alternatives et de les renforcer avec des programmes de migration circulaire, des accords de mobilité professionnels, la protection des réfugiés et demandeurs d’asile après une analyse sérieuse et minutieuse de chaque dossier, chaque cas étant différent de l’autre.

La Communication sur ce sujet et la perception des potentiels candidats pourrait jouer un acte majeur. La Côte d’Ivoire a combiné de actions locales de sensibilisation (ONG, agences) et des programmes internationaux (OIM, UE) pour lutter contre l’immigration illégale. Ces campagnes illustrent une stratégie de communication qui joue sur la peur des dangers, mais aussi sur la valorisation d’alternatives locales. S’il est nécessaire de déconstruire les mythes sur l’immigration, il est tout aussi important de valoriser les parcours migratoires légaux par l’implication des médias et des leaders communautaires. Malheureusement, ces campagnes, bien qu’utiles, se heurtent aux réalités locales profondes, car souvent en décalage avec la réalité vécue.

Que retenir ?

En tout état de cause, l’immigration illégale massive est souvent le symptôme d’inégalités profondes entre les pays d’accueil et les pays d’origine. C’est une réalité. La déstabilisation des pays d’origine est une cause directe et documentée de l’immigration illégale. Les tensions perçues autour de l’immigration illégale massive sont rarement dues à la seule présence des migrants. Elles résultent d’un enchevêtrement de facteurs sociaux, économiques, politiques et psychologiques. Juguler l’immigration massive illégale, c’est aussi œuvrer pour un monde plus équitable, plus juste, où migrer ne serait plus un acte de survie, mais un choix éclairé, motivé par des données et des informations fiables.

L’immigration clandestine peut constituer une menace insidieuse et croissante en sapant discrètement la sécurité, l’économie et le tissu social si elle n’est pas contrôlée. Mais ce n’est pas une fatalité inévitable. Des frontières proactives, des réformes juridiques et la lutte contre les causes profondes dans les pays d’origine permettent de l’atténuer. Les pays d’accueil comme les États-Unis, les pays de l’Union Européenne ou même la Côte d’Ivoire (confrontée à des flux migratoires en provenance d’Afrique de l’Ouest) doivent trouver un équilibre entre la répression et l’humanitarisme. La prise de conscience sur les incidences de l’immigration massive dans les pays d’accueil et d’origine a d’ores et déjà commencé.

A venir : Les exemples de réussite et les cas inquiétants en matière de lutte contre l’immigration illégale.

Roselyne Kandel

(Photo par SPENCER PLATT / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP)