Abidjan, Côte d’Ivoire

Décembre 1999 restera une date mémorable pour l’humanité avec le début de la pandémie de la Covid-19 à Wuhan, en Chine. Causée par un virus appelé SARS-CoV-2, la Covid-19 est une maladie qui se transmet principalement par des gouttelettes respiratoires lorsqu’une personne infectée tousse, éternue ou parle. Elle développe rapidement et peut varier en gravité, allant d’un simple rhume à des symptômes plus graves comme des difficultés respiratoires. Des cas d’anxiété, dépression et stress liés à la maladie ont pu être enregistré. Le premier cas officiellement reconnu a été signalé le 17 novembre 2019. Puis, la situation a rapidement évolué et empiré pour devenir une crise mondiale au début de l’année 2020.

Le monde scientifique s’est perdu en conjectures quant à son origine. Pendant que certains parlaient de transmission naturelle de la chauve-souris à l’homme, d’autres soutenaient fermement la thèse d’une fuite accidentelle d’un laboratoire de l’Institut de virologie de Wuhan, en raison de la découverte du premier cas en ces lieux, tout en dénonçant une volonté manifeste de nuisance des auteurs de cette recherche. Les autorités chinoises ont, en effet, alerté l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) le 31 décembre 2019 sur une pneumonie virale inconnue et c’est ainsi que la pandémie été rendue publique. De nombreux cas ont été découverts, par la suite, dans le marché aux fruits de mer de Huanan, que plusieurs patients infectés avaient visité ou avaient travaillé.

Au regard de son impact sur la santé, l’économie, la société et de la controverse alimentée par des facteurs politiques et sociaux, aucun consensus global n’a pu être dégagé sur son origine. Très vite, la communauté scientifique a essayé de trouver des voies et moyens pour comprendre cette maladie et la juguler, vu sa propagation ultra-rapide. Des mesures sanitaires drastiques et difficilement applicables pour diverses raisons dans certains pays en développement, notamment en Afrique, ont été prises. Des recherches scientifiques et médicales ont aussi été menées pour tenter de trouver une solution. A ce niveau aussi, un problème de consensus s’est posé.

Des controverses sur le vaccin contre la Covid-19

Des mesures pour contenir la pandémie, garantir une protection maximale, réduire les hospitalisations et décès ont été prises. Les vaccins à ARNm, à vecteur viral et inactivé sont les trois types de vaccins découverts par la communauté scientifique dans un contexte d’urgence, déclenchant de fait des préoccupations de certains scientifiques quant aux effets secondaires, alimentant des controverses et éveillant de la méfiance quant à leur efficacité et les effets secondaires à moyen et long termes.

Les premiers vaccins contre le COVID-19 ont été développés et distribués en grande partie grâce à des efforts internationaux et des collaborations entre les gouvernements, des organisations de santé et l’industrie pharmaceutique. Ainsi, la communauté scientifique s’est scindée entre ceux qui garantissaient l’efficacité des vaccins et ceux qui les remettaient en cause estimant que toutes les étapes devant conduire à l’approbation officielle de certains vaccins n’avaient pas été respectées. Dr. Anthony Fauci, Directeur du National Institute of Allergy and Infectious Diseases et Conseiller médical principal du président Joe Biden,  Dr. Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et  Dr. Peter Marks, Directeur du Center for Biologics Evaluation and Research (CBER) à la Food and Drug Administration (FDA) étaient de ceux qui militaient en faveur de leur distribution rapide, équitable et dans le monde entier pour un meilleur contrôle de la pandémie. Leur engagement a été crucial pour accélérer la distribution des vaccins et atteindre une couverture vaccinale mondiale plus large.

D’autres scientifiques, moins en vue dans la société et moins médiatisés étaient plus nuancés et appelaient à la prudence dans l’administration des vaccins à une large échelle, suite à des recherches effectuées. Ce sont, notamment, le Pr Professor Angus Dalgleish, Professeur d’oncologie à l’université St George de Londres, il est connu pour ses recherches sur le VIH/sida et l’immunothérapie du cancer. Il a contribué de manière significative à la compréhension de la manière dont le VIH utilise le récepteur CD4 et a participé à la mise au point de vaccins contre le cancer. Le professeur Angus Dalgleish a exprimé son point de vue sur les vaccins Covid-19. Il a critiqué le programme de vaccination de rappel, suggérant qu’il pourrait faire plus de mal que de bien. Il a également exprimé des inquiétudes quant à la nécessité de vacciner les enfants et les jeunes adultes, et quant aux effets secondaires potentiels des vaccins. Le Pr Luc Montagnier, Prix Nobel de médecine pour la découverte du virus du sida, qui a exprimé des préoccupations concernant les vaccins à ARN, affirmant qu’ils pourraient causer des cancers. Il a également déclaré que les vaccins ne sont pas nécessaires si une alimentation équilibrée est suivie. Le Pr Henri Joyeux, chirurgien, Cancérologue et professeur honoraire à la Faculté de Médecine de l’Université de Montpellier, qui a critiqué les adjuvants utilisés dans les vaccins, notamment le sel d’aluminium et a affirmé que les vaccins empoisonnent les enfants. En septembre 2023, il a été interdit d’exercer la médecine pendant deux ans par la chambre disciplinaire nationale du Conseil national de l’Ordre des médecins. Pr. Jean-Pierre Changeux, neurobiologiste français renommé et figure éminente dans le domaine des neurosciences, qui a mené des recherches sur les effets du vaccin contre la COVID-19. Il a exprimé des inquiétudes sur la rapidité avec laquelle les vaccins ont été développés et approuvés, craignant que cela n’ait pu compromettre la sécurité et l’efficacité des vaccins. Il a également souligné l’importance de comprendre les mécanismes neurobiologiques sous-jacents à la maladie et la réponse immunitaire avant de déployer massivement les vaccins. Le Pr Didier Raoult, Directeur de l’Institut Hospitalo-Universitaire en maladies infectieuses (IHU) de Marseille, a eu des positions controversées sur le vaccin COVID-19. Initialement, il a exprimé des réserves sur l’efficacité des vaccins et a même affirmé qu’ils ne servaient à rien. Par exemple, en 2021, il a déclaré que « parmi les vaccinés, il n’y a pas moins de morts ». Il a également fait des déclarations affirmant que les vaccins contiennent de grandes quantités d’ADN et pourraient être liés à des cancers. Cependant, en mai 2023, il a fait une déclaration inattendue en reconnaissant que les vaccins contre la COVID-19 sont efficaces. Il a admis que « les gens qui sont vaccinés meurent moins que les gens qui ne sont pas vaccinés ». Cette reconnaissance contraste fortement avec ses déclarations antérieures. Ces déclarations contradictoires peuvent être interprétées de différentes manières et il est difficile de savoir s’il a subi des pressions ou des menaces. Ce qui est certain, c’est que ses opinions ont suscité beaucoup de débats et qu’il a dû faire face à des poursuites judiciaires. D’autres agents des services médicaux (médecins, infirmiers) dans différents pays ont indiqué avoir fait l’objet d’intimidations de leur hiérarchie dans leurs services respectifs.

La crise de confiance ?

Les critiques et les réserves exprimées par des scientifiques comme Changeux, Montagnier, Raoult et Joyeux ont contribué à des discussions importantes sur la sécurité, l’efficacité et l’approbation des vaccins. Ces discussions ont également encouragé des études supplémentaires pour mieux comprendre la maladie et améliorer les vaccins. Plusieurs études ont été menées pour examiner les effets secondaires potentiels des vaccins contre la COVID-19. L’étude du Global Vaccine Data Network, qui a analysé les données de santé de plus de 99 millions de personnes dans huit pays (Argentine, Australie, Canada, Danemark, Finlande, France, Nouvelle-Zélande et Écosse), a révélé un lien entre certains vaccins et des effets secondaires tels que le syndrome de Guillain-Barré, les thromboses veineuses cérébrales, la myocardite et la péricardite. Un Rapport du Sénat français, qui a examiné les effets indésirables des vaccins et les dernières évolutions des connaissances scientifiques sur la COVID-19, a identifié plusieurs effets secondaires potentiels, notamment les troubles menstruels, les troubles neurologiques et les troubles cardiaques. Une étude française a aussi mis en évidence un risque accru de troubles menstruels jusqu’à trois mois après la première injection de vaccin à ARN messager. Avec le temps, il s’est avéré que les inquiétudes exprimées par certains spécialistes étaient fondées. Par ailleurs, la communauté scientifique s’est rendue à l’évidence que le vaccin n’empêchait pas la transmission du virus. Les vaccins contre la COVID-19 réduisent la transmission du virus, mais ils ne l’éliminent pas complètement. Les personnes vaccinées peuvent encore être infectées et potentiellement transmettre le virus, d’autant que le virus lui-même a évolué sans cesse vers l’apparition de nouveaux variants remettant en cause l’immunité due aux vaccins. A ce sujet, une étude israélienne a montré que le vaccin Pfizer-BioNTech réduisait les infections asymptomatiques de 75 %. Cependant, même avec cette réduction, il est toujours possible pour une personne vaccinée de contracter et de transmettre le virus. De plus, même avec les mesures prises par la communauté scientifique, la complexité et l’ampleur de la pandémie ont rendu difficile l’évitement complet des surcharges des systèmes de santé. Ainsi, bien que les vaccins soient efficaces pour réduire la transmission, ils ne la préviennent pas entièrement.

La protection de l’humanité par tous les moyens

La majorité de la communauté scientifique a travaillé ardemment pour développer des vaccins et des traitements efficaces pour protéger l’humanité contre la COVID-19. Cependant, comme dans toute grande entreprise, il y a eu des préoccupations concernant les intérêts financiers et les pressions économiques en plus de critiques relatives aux effets secondaires des vaccins. Certaines préoccupations viennent de journalistes d’investigation et de scientifiques qui soulignent que les grandes entreprises pharmaceutiques et certains chercheurs ont pu être influencés par des incitations financières. Par exemple, les contrats lucratifs avec des gouvernements et les brevets sur les vaccins ont parfois créé des conflits d’intérêts.

En principe, la recherche scientifique repose sur des règles rigoureuses de transparence, de réplication des résultats et de révision pour garantir l’intégrité des découvertes. La collaboration internationale et le partage des données sont également essentiels pour accélérer le développement des vaccins. Bien que des préoccupations financières puissent exister dans le cas de la gestion de la crise de la Covid-19, la plupart des scientifiques et des chercheurs ont été motivés par un désir sincère de protéger la santé publique et de faire face à la crise sanitaire. Il est vrai que la science et la politique peuvent parfois s’entrelacer d’une manière qui soulève des préoccupations. A ce sujet, Dr. Michael Yeadon, ancien vice-président de Pfizer et chercheur en allergie et en recherche respiratoire, a exprimé en décembre 2020 des préoccupations sur certains aspects de la gestion de la pandémie. Il a perdu son poste en raison de ses déclarations controversées et jugées non fondées sur la sécurité des vaccins contre la COVID-19. Ce qu’il faut retenir, c’est que la majorité des scientifiques s’efforcent de travailler selon des normes éthiques et rigoureuses pour protéger l’humanité, et que les situations d’urgence ne sont pas toujours aisées, quel que soit le domaine d’intervention.

Roselyne Kandel